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Pendant l'été, Smarthealth met sous les projecteurs dix start-ups médicales néerlandaises et belges. Quelles sont les entreprises qui font entrer nos soins de santé dans le XXIe siècle et pourquoi sont-elles pertinentes ? Cette semaine, nous avons discuté avec Bingli, une start-up belge qui propose un chatbot intelligent aux prestataires de soins de santé afin de rendre la consultation avec un médecin plus efficace.
Comment optimiser la consultation d'un médecin ? C’est de cette interrogation qu’est née dans l'esprit de Tom Van De Putte et Piet Van de Steen l’idée de développer Bingli en 2017. « Dès le départ, nous souhaitions éliminer la frustration des médecins lors d’une consultation. », nous explique Tom Van De Putte lors d'une interview vidéo. « Notre projet initial était donc d’améliorer la communication entre le patient et le médecin en présentant de meilleures informations aux deux parties. Finalement, nous avons décidé que la meilleure façon d’y parvenir était sous la forme d'un chatbot intelligent. »
En tant que cofondateur de la start-up belge, Tom Van De Putte sait à quel point une consultation chez un médecin n'est pas toujours aussi efficace qu'elle pourrait l'être. Avant même que Bingli ne soit une réalité, il travaillait dans une agence de communication où il était régulièrement en contact avec des professionnels de la médecine générale et des patients. Au cours de leurs échanges, il s’est aperçu que les deux parties étaient souvent frustrées du déroulé de leur consultation. Il explique que
« certains malades se plaignaient de ne pas avoir été entendus correctement, d’avoir été interrompus trop rapidement ou de ne pas avoir réussi à faire comprendre leurs questions. Les médecins, quant à eux, étaient frustrés par des patients trop bavards durant l'anamnèse ou par ceux qui mentent durant le diagnostic par peur ou honte. En bref : une perte de temps pour ty-tout le monde. » Son partenaire Piet Van de Steen, lui-même docteur, est également arrivé à la même conclusion.
Algorithme dynamique
Imaginez : vous tombez malade et prenez rendez-vous chez votre médecin. Lors de la consultation, vous ne savez pas vraiment quoi dire et vous n'avez pas l'impression d’être parfaitement compris. « Ce scénario est tellement fréquent », affirme Tom Van De Putte avant de poursuivre, « mais avec Bingli, une telle situation peut ne plus jamais se reproduire. Si un médecin fait appel à nos services, nous prenons en charge les cinq premières minutes de la consultation, et cela même depuis chez vous ! Vous recevez un questionnaire en ligne avec lequel le chatbot essaie d'affiner vos symptômes. en posant toutes sortes de questions ciblées. Il commence par interroger les patients sur des points objectifs : qu'est-ce qu’il entend exactement par la douleur qu'il ressent ? Ensuite, il affine le diagnostic avec des questions plus spécifiques : Où avez-vous mal ? À quel point la douleur irradie-t-elle ? Quelle est l'intensité de la douleur... ? »
Une fois que le chatbot a recueilli suffisamment d'informations spécifiques à partir du questionnaire, il utilise un algorithme pour déterminer les causes les plus probables. À aucun moment, les hypothèses retenues ne seront montrées aux patients. « Durant cette étape nous éliminons les possibilités comme le fait à chaque fois un médecin lors d’une consultation. Si vous allez le voir car vous avez mal à la gorge depuis quelques jours, il envisagera probablement une inflammation. Mais, en fonction de ses questions, il considérera également une tumeur ou une glande gonflée. Et ses conclusions se feront en fonction de ce que vous avez répondu. Au fur et à mesure, il se peut d’ailleurs qu’il émette de nouvelles hypothèses. Bingli fait exactement la même chose. Il analyse quelle est la cause la plus probable des symptômes et calcule la probabilité des autres possibles. »
« Bingli pose ainsi tout une batterie de questions et s’adapte autant que possible en fonction des réponses renseignées. L'algorithme intervient alors pour calculer les diagnostics éventuels. Il n'y a donc rien de prédéterminé et ce n'est pas non plus un arbre de décision, même si vous retrouvez certaines questions fixes au début et à la fin du chat pour des questions administratives par exemple. Bingli est plutôt un réseau neuronal qui imite le raisonnement d'un médecin. D’ailleurs, pour avoir un tel résultat de précision, nous travaillons toujours avec des questions fermées (qui se répondent par oui ou non), jamais de questions ouvertes. Une fois que le patient à répondu, sa réponse est transmise à l'algorithme, un nouveau calcul est effectué et une nouvelle question est immédiatement posée. Ce processus se déroule en une fraction de seconde. »
Soins de première et de deuxième ligne
Après dix à quinze questions, le patient reçoit une synthèse avec un bref résumé des informations. Cette dernière est ensuite transmise au médecin, qui reçoit également l'aperçu de l'anamnèse et les différents diagnostics envisagés. « Le chatbot établit toujours dix causes qui sont classées selon leur probabilité, mais c'est au médecin de poser le diagnostic final. Il s’agit donc d’aider à la prise de décision, mais pas de la remplacer. L'avantage est que nous élargissons le champ des possibles diagnostics, et proposons des pathologies auxquelles le médecin ne pense pas forcément au départ. Nous avons déjà entendu plusieurs témoignages de docteurs qui nous sont très reconnaissants car ils ont pu donner rapidement le bon traitement à leurs patients ou les ont orientés vers des spécialistes grâce à Bingli. »
Enfin, le chatbot n'est pas seulement intéressant pour les médecins généralistes et en cas d'urgence, il peut aussi être un bon outil de soutien pour les médecins en soins secondaires. « Par exemple, un orthopédiste peut recevoir un patient qu'il ne peut pas forcément aider. C’est notamment le cas, lorsqu’une personne souffre de douleurs au genou sans avoir de problème orthopédique. Il s'agit peut-être d'un trouble rhumatologique et une consultation avec un spécialiste des pieds n’a donc pas vraiment d’intérêt. Or, il n'est pas rare qu'un malade doive attendre plusieurs mois pour avoir un rendez-vous avec un médecin spécialiste, alors qu'en réalité il n'a pas bien été orienté dès le départ et n’a donc pas besoin d'être là. »
Un nouveau WebMD ?
Bingli rappelle à certains égards les vérificateurs de symptômes en ligne, tels que le WebMD américain. Pourtant, le chatbot a été conçu de manière totalement différente, contredit Tom Van De Putte. « Notre objectif est d'améliorer la rencontre entre le médecin et le patient. Nous voulons y parvenir en recueillant des informations spécifiques et fiables auprès des malades. Notre système peut donner un diagnostic très précis, mais n'est pas (et ne sera jamais) destiné à remplacer le médecin. L'anamnèse est dans de nombreux cas décisive pour votre diagnostic, mais pas exclusivement. Parfois, vous devez également effectuer des recherches cliniques supplémentaires, faire des demandes de laboratoire ou simplement voir le patient vous-même. Un vérificateur de symptômes en ligne a pour but de toujours communiquer une suggestion ou un diagnostic au patient, même si dans de nombreux cas, il n'est jamais très précis. »
« Toutes les données que nous recueillons au cours de l'entretien sont également immédiatement codées et structurées, ce qui permet aux médecins de les copier ou de les importer dans le dossier médical. Vous disposez ainsi d'un aperçu complet et vous gagnez du temps. Actuellement, les médecins prennent souvent des notes incomplètes pendant l'anamnèse. Par exemple, il est fréquent qu’ils ne notent pas que vous ne rencontrez aucune difficulté à avaler lorsque vous avez mal à la gorge. Pourtant, l'absence de symptômes est souvent aussi importante que leur présence. Par conséquent, si vous vous basez uniquement sur les informations des dossiers médicaux, vous ne pourrez jamais construire un bon algorithme, car ces données ne sont pas qualitatives. Nous avons donc opté pour une approche différente et nous avons construit notre propre base de données. Cela explique en partie pourquoi nous sommes le système le plus fiable au monde, avec une précision de diagnostic différentiel de 90 %. »
De l'idée à la nécessité
« Lorsque nous avons élaboré l'idée de Bingli, il était important de savoir si notre idée avec un quelconque intérêt. Et cela s'est avéré être le cas. D’abord chez les médecins généralistes qui sont confrontés à un manque de temps et à des patients mal préparés. Mais aussi, dans les soins de deuxième ligne. En effet, les spécialistes voient régulièrement des patients mal orientés. Et c’est d’autant plus fréquent aux Pays-Bas, où le besoin de triage est énorme. » Bingli a donc suscité l’intérêt des médecins néerlandais et est d’ailleurs déjà utilisé dans plusieurs cabinets médicaux et d'hôpitaux. « Les GP néerlandais sont très enthousiastes car cela leur enlève une énorme pression. Certes le gain de temps est apprécié, mais c'est surtout le stress de l’erreur qui est considérablement réduit. »
L'avenir de Bingli semble prometteur, d'autant que la réaction des médecins en Belgique et aux Pays-Bas a déjà été positive. « Dans l'ensemble, la grande majorité est ravie de notre chatbot. Nous pensons que nous serons de plus en plus sollicités par les médecins, car en plus cela pourrait réduire significativement leur charge de travail. »
« L'OMS prévoit une pénurie de quelque 12,9 millions de médecins et d'infirmiers dans le monde d'ici 2035. Les médecins seront donc débordés et ne pourront plus prendre le temps nécessaire pour demander en détail aux patients ce qui ne va pas. Je suis convaincu qu'une bonne anamnèse, peut être faite de manière beaucoup plus pratique et rapide par une solution comme Bingli qui, d'une part, donne plus de contrôle aux malades et peut être responsabilisant, et d'autre part, permet aux médecins de libérer du temps pour réellement se concentrer sur le plus important : le patient. »
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Je suis très intéressé par tous les moyens auxiliaires annexes qui en amont ou en parallèle de la consultation peuvent permettre d’être plus efficaces .