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« La livraison du dernier kilomètre », c’est le terme employé pour désigner les derniers mètres qu’un colis parcourt jusqu'au consommateur. De cette façon, chaque client peut suivre précisément où en est sa commande. Mais la livraison du dernier kilomètre est loin d'être une pratique courante dans le secteur des soins de santé. Les patients continuent de retirer leurs ordonnances à la pharmacie. SmartHealth s'est entretenu avec Luuk Van den Einden, fondateur de Velomedi, et Daan Dohmen, investisseur. L’entreprise emploie des coursiers à vélo pour livrer les médicaments au domicile des patients. Un nouveau service qui s’inscrit dans l’évolution inévitable du paysage pharmaceutique, où le patient devient plus exigeant et où les concurrents ne restent pas inactifs.
Depuis quelques années, les services de livraisons à domicile ont explosé. Voitures, cyclomoteurs, vélos électriques, les livreurs se précipitent dans les rues d’un point A à un point B. Ces livraisons éclair sont considérées comme le dernier phénomène métropolitain. Avec Gorillas, Flink et Getir, le consommateur peut ainsi recevoir sa commande chez lui en 10 minutes. Il lui suffit de quelques clics pour obtenir ce qu’il a acheté. Marché en plein essor, le nombre de ce type de commandes ne cesse d’augmenter. Les coursiers sont de plus en plus rentabilisés. Nous assistons à une véritable course d’efficacité et de productivité. Et pour limiter les coûts, les voitures sont remplacées par des vélos (électriques).
Velomedi : une solution durable ?
L'entrepreneur Luuk van den Einden est actif dans le secteur de la livraison de médicaments depuis des années. Fort de ses expériences, il a lancé en 2019 la société Velomedi. La start-up, qui connaît une croissance rapide, est désormais active dans tout le pays. Si elle est bien implantée dans le Brabant et surtout la Randstad, elle ne couvre pas encore toutes les régions. Et c’est à vélo que ses employés livrent les prescriptions aux patients.
« Nous avons mené nos propres recherches. Et finalement, en agglomération la livraison à vélo reste la plus rapide. En moyenne, un coursier à deux roues est 18 % plus rapide. Ainsi, nous rendons le service de la pharmacie plus durable. Cela leur coûte moins cher de faire appel à nos services et nous partageons les recettes ensemble. » Chaque coursier a une pharmacie attribuée, ce qui leur permet de bien connaître le personnel et les patients. Velomedi leur offre un contrat de travail et ils reçoivent un salaire horaire fixe.
Priorité au contact humain
Mais comment fonctionne cette livraison de médicaments sur le dernier kilomètre ? Luuk Van den Einden nous explique que tout se fait à distance. « Le patient reçoit un e-mail de la pharmacie qui lui signale que son médicament est disponible. Via un lien unique, il peut alors planifier la venue d’un coursier de chez Velomedi. Il lui suffit de renseigner le jour et l’heure à laquelle il souhaite être livré. Le patient peut également voir quel livreur à vélo lui rendra visite. » Ce tableau de bord est relié en interne au système d'information de la pharmacie. De cette manière, la start-up renvoie les données de livraison aux pharmaciens.
Le contact personnel est un pilier important du service, affirme le fondateur de Velomedi. Selon lui, nombreux de ses coursiers à vélo aiment rendre visite aux patients chez eux. Certains ont même pris l’habitude de s’arrêter prendre une tasse de café. « Nous ne voulons pas concurrencer les soins à domicile, mais le coursier à vélo peut effectuer des tâches supplémentaires. Par exemple, ramasser les déchets, remplir le distributeur de médicaments et jauger le ressenti du patient. » D’après Luuk Van den Einden, la pharmacie délivre ainsi deux fois plus de médicaments qu'il y a sept ans. « Les personnes âgées continuent à vivre chez elles plus longtemps. Elles ont donc besoin que tout soit fourni à domicile, y compris certains services supplémentaires. »
Service de livraison gratuit
Actuellement, les pharmaciens locaux offrent la livraison des médicaments aux personnes qui ne peuvent pas se déplacer. Cependant, la majorité sont réticentes à offrir ce service à leurs patients. Luuk Van den Einden explique que « les remboursements offerts par les assureurs maladie ne permettent pas grand-chose. Le prix d'une ordonnance comprend le coût du médicament et le service de la pharmacie. L'assureur maladie détermine, avec le pharmacien et par le biais de négociations, le montant des frais de remise des ordonnances. En moyenne, cela représente 6 à 7 euros par médicament. Ces frais comprennent également le coût de la livraison. »
Luuk Van den Einden poursuit en précisant que plus le service sera développé, plus les pharmacies pourront optimiser leurs coûts. « Les tarifs de la pharmacie tiennent compte du volume du nombre de livraisons. Les coûts restent donc faibles s'il y a peu de livraisons. À l’inverse, la livraison du dernier kilomètre signifie que plus les livraisons seront nombreuses, plus les coûts moyens par livraison diminuent. Si les pharmaciens développent suffisamment ce service, leurs coûts de livraison augmenteront, mais pas leurs coûts totaux. Ils peuvent même réduire leurs dépensent s'ils livrent efficacement des médicaments planifiables en grandes quantités. Ils ne visitent donc pas le même patient trois fois par semaine, mais seulement une fois. Nous voulons y contribuer. »
Luuk Van de Einden bénéficie du soutien de grands experts, dont celui de Daan Dohmen en tant qu'investisseur. Connu comme fondateur et P.-D.G. de Luscii et FocusCura, il a également été nommé professeur de transformation numérique dans le domaine de la santé à l'Open University l'année dernière. « Daan n'apporte pas seulement des capitaux. Il connaît les routes du paysage des soins de santé et me donne également des conseils dans le domaine de l'infrastructure numérique et de la mise à l'échelle de la start-up », confie Luuk Van den Einden.
Des coûts injustifiés ?
Avec l’évolution des services digitaux, il n’est pas surprenant que Velomedi connaisse un rapide développement. Le paysage pharmaceutique est en train de changer. Quant aux patients, ils sont de plus en plus exigeants. Non seulement, ils veulent limiter leurs déplacements, mais ils font également attention à leurs frais.
Le fait de payer moins de franchise ou de contribution personnelle est également un motif important pour les patients. Le prix d'une ordonnance se compose de divers coûts : celui du médicament, mais aussi ceux de la pharmacie (dispensation). Il existe aussi des frais supplémentaires qui dépendent directement de la gestion de ses services. Il s’agit des conseils donnés au moment de la délivrance de l’ordonnance. En effet, les personnes doivent recevoir des informations de la part de l'assistant en pharmacie. Ces coûts s'élèvent en moyenne à 11,87 euros par médicament. L'année dernière, l'émission Radar a interrogé quelque 32 000 clients. Près de la moitié (45 %) a indiqué avoir payé pour cette explication, sans jamais l’avoir eue.
En outre, les patients se sont plaints du doublement des frais de pharmacie qui leur étaient facturés lorsqu'ils récupèrent plusieurs médicaments en même temps. Interrogée à ce sujet, la Fédération des patients des Pays-Bas a déclaré qu'elle encourage les patients à parler au pharmacien lorsqu'ils paient pour un service qu'ils ne reçoivent pas. Ce qui est encore possible dans le domaine des soins de santé serait inacceptable pour les consommateurs d'autres secteurs.
Comment perdurer et rester un acteur actif ?
Les pharmaciens ont conscience de la nécessité d'évoluer. Il est logique qu'ils répercutent les coûts sur le patient, étant donné leur rôle dans le système de santé. Néanmoins, ils devront rechercher des services efficaces et transparents. Luuk Van den Einden voit déjà les pharmaciens se réorganiser. « Ils doivent se demander comment les prestations peuvent être optimisées. Les pharmaciens sont les experts en matière de médicaments. Pour le stockage et la logistique, il est préférable de trouver des partenaires spécialisés dans ce domaine. »
Il va même plus loin et affirme que certains pharmaciens craignent de ne plus faire partie du paysage du secteur de la santé. « La crise du coronavirus n'a fait que renforcer la nécessité d'un service en ligne efficace. Aux Pays-Bas, environ 60 % des pharmacies sont dirigées comme des PME, dont les pharmaciens sont propriétaires ou copropriétaires. Ces derniers se demandent comment ils pourront encore être et rester pertinents dans 10 ans. Ils pensent aux soins de demain et se demandent comment ils peuvent évoluer avec eux. »
Faire évoluer le système existant
L’évolution des prestations de santé en ligne bouleverse grandement le secteur. Elle heurte le fonctionnement « sacré » du médecin généraliste et du pharmacien physique. Et cela malgré l’augmentation des pharmacies numériques. Alors quel rôle Velomedi peut-il jouer dans ces changements en cours ? « Les personnes aiment leurs habitudes. Une pharmacie au coin de la rue, où ils sentent qu'ils peuvent aller physiquement, restera toujours une option de qualité pour eux. Cependant, en tant que patient, vous ne devriez pas avoir à faire la queue pendant 20 minutes. Surtout si vous avez peu de temps dans votre journée. Une chose est sûre : il va falloir trouver le juste milieu entre services en ligne et contact humain. Et la livraison à domicile peut contribuer à faire le lien. »
La NZa (Autorité néerlandaise des soins de santé) encourage les forces du marché axées sur la demande qui servent les intérêts des consommateurs. Et cet intérêt se déplace fortement vers les services numériques. Si l’offre est réalisable et en plus de meilleure qualité, il faut privilégier les soins pharmaceutiques en ligne. Cette prise de position met en quelque sorte en compétition les deux maisons. Légalement, les patients ont la liberté de choisir. Mais en définitive, ce sont les médecins généralistes qui prescrivent une ordonnance. Ils interviennent donc dans les possibilités qui s’offrent aux patients. Leurs rôles doivent pourtant rester informatifs. Ils peuvent notamment conseiller en exposant objectivement les avantages et les inconvénients des soins pharmaceutiques. Cependant, ils ne sont pas autorisés à élever des barrières.
L'importance des médecins généralistes
Pourtant, certains médecins généralistes semblent exclure les candidats numériques. En 2013, NZa a dû intervenir car le cabinet de médecine générale de Brabant à Prinsenbeek refusait d'orienter les patients vers Thuisapotheek, un fournisseur en ligne. Et ce cas est loin d’être isolé. En novembre de l'année dernière, la NZa a reçu plusieurs signalements indiquant que les médecins généralistes ne veulent pas utiliser les ordonnances numériques. Leurs motivations ne sont pas anodines... Ils ont souvent passé des accords avec une pharmacie voisine. Le contact mutuel est essentiel pour les soins aux patients. Lors de la consultation dite pharmacothérapeutique (FTO), ils discutent de la prescription et de la délivrance des médicaments. Il garantit des soins de qualité qui fonctionnent efficacement.
L'investisseur Daan Dohmen est d'ailleurs de cet avis. « Il existe une bonne interaction entre le médecin généraliste local et la pharmacie. Il est donc important d'utiliser les systèmes existants et de les moderniser. Du point de vue du prescripteur, c'est-à-dire du médecin généraliste, il est essentiel que les bons médicaments soient délivrés. Il faut garder un aperçu clair de la médication. Il est alors plus logique d'utiliser les réseaux existants. »
Ne pas avoir peur d'Amazon
Tous ces développements semblent être à l'avantage de Velomedi. La start-up s'intègre dans le système de la pharmacie locale. Elle combine un processus en ligne avec la livraison, et respecte la relation entre le médecin généraliste et la pharmacie. En outre, la start-up répond aux besoins de la société.
Mais que se passerait-il si une grande entreprise comme Amazon se lançait dans la livraison de médicaments aux Pays-Bas ? Aux États-Unis, le géant technologique associe son expérience de la logistique et de la distribution à la fourniture de soins de santé en ligne. Luuk van den Einden reste confiant. « Cela ne m’inquiète pas. Je crois que les personnes veulent de plus en plus de soins à domicile et sont prêtes à payer pour un service supplémentaire. Si Amazon lance une pharmacie en ligne avec un service de livraison, les pharmacies existantes devront suivre le mouvement et offrir un meilleur service. Comment vont-ils s'y prendre ? Par Velomedi. »
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