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Difficile de manquer cette affaire digne d’un best-seller. Le procès de l’un des plus gros cas de fraude aux États-Unis vient de commencer. Le rôle principal est interprété par Elizabeth Holmes, fondatrice de Theranos, une startup qui voulait révolutionner les tests sanguins et la recherche en laboratoire. Une promesse révolutionnaire portée par une jeune fondatrice comparée à Steve Jobs et plus de 700 millions de dollars (602 millions d'euros) levés auprès de prestigieux investisseurs. De quoi enthousiasmer pendant plus de 10 ans toute la Silicon Valley. La vérité a fini par éclater au grand jour : la technologie et les performances financières de la start-up biotech se sont avérées être un mensonge.
Elizabeth Holmes avait pourtant tout pour réussir. Elle représentait à elle seule une success story made in America. La figure de proue d'un nouvel ordre d'entreprises numériques et de startups évaluées à plus d'un milliard de dollars, les soi-disant licornes. Après sa première année à l'Université de Stanford, elle a abandonné ses études à l'âge de 19 ans pour se concentrer sur la création de sa propre entreprise, Theranos. Elle était l'une des plus jeunes milliardaires autodidactes des États-Unis. Elle risque aujourd'hui une peine de 20 ans de prison.
Miser sur potentiel plutôt que sur les prototypes
Deux aspects rendent le cas Theranos intéressant. Tout d’abord, l'attention médiatique démesurée autour de l'ancienne PDG et les répercussions du verdict sur les start-ups technologiques. Mais aussi de mettre en lumière les dérives de la Silicon Valley. En un sens, il s’agit aussi du procès de l’un des aspects les plus pervers de la culture tech américaine : vendre une idée, plutôt qu’un projet abouti.
En effet, la Silicon Valley récompense depuis longtemps les fondateurs qui exagèrent leurs concepts et concluent des accords sur le potentiel plutôt que sur des prototypes. C'est ainsi que sont nées la plupart des sociétés les plus puissantes de la Vallée. C’est la célèbre doctrine « Fake it till you make it » (Faites semblant, jusqu’à ce que vous y arriviez).
« théranostication »
L’ampleur médiatique de l’affaire est telle que le magazine Wired évoque une « Theranostication ». Et pour cause : l'histoire d’Elizabeth Holmes a déjà laissé une marque indélébile non seulement dans la Silicon Valley, mais aussi dans la culture américaine. Des articles de magazines, un livre à succès, une série de podcasts, des documentaires, une série télévisée et un film sont déjà sortis ou sont en cours de préparation. Difficile dans ces conditions de rester impartial, y compris pour le jury qui a été extrêmement difficile à sélectionner.
Theranos restera dans l'histoire comme l’une des plus grandes fraudes du milieu biotech impliquant plus de 700 millions de dollars d'investisseurs dupés, ainsi que de nombreux patients ayant subi des dommages physiques, mentaux et financiers. Mais n'oublions pas que de nombreuses entreprises technologiques ont précédé celle d’Elizabeth Holmes. Il n’était pas question de fraude à proprement parler, ni de tromperie, mais de discours marketing et de feuilles de calcul pour les investisseurs. Après tout, les promesses du portable Healbe GoBe, ne sont pas si vieilles… Tout comme la publicité d'un million de dollars pour Scanadu Scout, un appareil frontal présenté pour mesurer la tension artérielle, la fréquence cardiaque et le niveau d'oxygène en quinze secondes… Finalement, le dispositif médical n'a jamais été mis sur le marché et n'a été produit qu'en édition limitée dans le cadre d'un projet de financement participatif.
Question de perspective ?
Le scandale de Theranos met aujourd’hui au pilori à la fois une entreprise et un fondateur. Néanmoins, la décision du jury et du juge remettra probablement en question la culture américaine des startups, qui attend des fondateurs qu'ils poursuivent leurs idées coûte que coûte. « L'échec n'est pas un crime », a déclaré Lance Wade, l’avocat d’Elizabeth Holmes, lors de sa plaidoirie d'ouverture avant de poursuivre « Faire de son mieux et ne pas réussir dès le début n'est pas un crime. »
Une philosophie qui n’est pas partagée par le procureur en chef, Robert Leach, chargé de l’affaire. Selon lui, derrière l’incroyable succès d’Elizabeth Holmes étaient dissimulés de sérieux problèmes préjudiciables. Le jury devra donc déterminer à quel moment la start-up est devenue une fraude. Quand sa vision a-t-elle mal tourné ? Où s'est terminée la présentation ambitieuse des chiffres de ventes attendus et où ont commencé la tromperie et les manipulations délibérées ? C'est au juge de prouver et au jury de juger.
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