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10 000, c’est le nombre de pas quotidiens conseillés dans les communes flamandes. Une initiative mondiale qui a commencé en 2000 afin de lutter contre la sédentarité. Depuis, plus de 10 000 projets ont vu le jour. Les citoyens se retrouvent alors encouragés à faire davantage d’exercice quotidiennement par les gouvernements et les communes. En Europe, la première à suivre le mouvement fut la Flandre. En 2005, la région a lancé son « 10 000 pas de Gand » en collaboration avec le Département des sciences du mouvement et du sport de l'Université de Gand. Si au départ, il ne s’agissait que d’un projet pilote, depuis 2009 ce challenge fait désormais partie de l'Institut flamand pour promouvoir la santé et la prévention des maladies (VIGeZ). L’objectif ultime est simple : “Permettre aux habitants de vieillir en bonne santé en les incitant à rester actifs en faisant 10 000 pas par jour."
Le concept de faire 10 000 pas par jour n’est pas nouveau. Ce nombre minimum à atteindre existe depuis des années. Si l’origine exacte de cette méthode est difficile à retracer, les chercheurs supposent qu’elle vient du Japon. En effet, ce principe apparaît dans une étude menée par le scientifique et sportif japonais Yoshiro Hatano. Après une analyse complète faite dans les années 1960, il constate que les Japonais font en moyenne entre 3 000 et 5 000 pas par jour. Afin de vivre une vie plus saine, il recommande alors d'augmenter ce nombre à 10 000 pas quotidien. Ce chiffre de référence est désormais devenu une évidence. Et cela est dû en partie grâce à l'émergence de dispositifs portables qui utilisent ce quota comme référence journalière et récompensent les utilisateurs pour y parvenir.
Pour que “chaque pas compte “
Standard ou non, l'Institut flamand pour la promotion de la santé et la prévention des maladies (VIGeZ) souligne que les personnes ne devraient pas se concentrer sur ce chiffre. Une notion qui se retrouve d’ailleurs dans leur célèbre slogan : “ Chaque pas compte ". Car finalement ce qui cimporte c’est de rester actif.
C’est d’ailleurs ce que tente de faire comprendre l’institut flamand depuis 16 ans maintenant. Tout a commencé en 2005 avec le projet pilote de 10 000 pas par jour mis en place par le Département des sciences du mouvement et du sport de l'Université de Gand. À ce moment-là, les habitants de la commune pouvaient suivre leur nombre de pas quotidiens grâce à de simples podomètres et un journal de bord. L'efficacité du projet a été mesurée avec l'aide d'une commune de contrôle (Alost), qui n'a pas participé à l’expérience. Au final, non seulement le projet a généré beaucoup d’enthousiasme, mais les habitants de Gand se sont en moyenne davantage dépensés par rapport à ceux d'Alost.
5 ans après - avec l'aide d'une subvention gouvernementale - le projet de 10 000 pas par jour a été déployé dans toute la Flandre. Rebaptisé « 10 000 marches en Flandre », les villes et les communes ont bénéficié, entre autres, de matériel publicitaire et de podomètres. Néanmoins, quelques années plus tard, le mouvement a pris fin. Le manque d'argent y est pour beaucoup, mais ce n’est pas la seule raison. À partir de 2012, il s’est avéré difficile en tant que ville ou municipalité de maintenir l’effort de campagne pour motiver les habitants à poursuivre ce défi quotidien (voir notre article sur le sujet).
Une compétition entre communes pour le bien-être des habitants
Entre-temps, le mouvement “10 000 pas” a fait partie des projets menés par VIGeZ. Les membres du personnel Ragnar Van Acker et Annelies Vandenberghe ont souhaité approfondir l'initiative d'exercices dans un vaste contexte de promotion de la santé. Ils ont aussi inclus des notions d’alimentation et des informations sur les comportements sédentaires nocifs des citoyens (rester assis trop longtemps par exemple). Ainsi, VIGeZ a mis en place une compétition en ligne annuelle, afin que les villes et municipalités participantes puissent se concurrencer. Une jolie façon d’inciter à prendre soin de sa forme en jouant sur l’effort collectif. Le principe est simple : durant le mois de mai, les participants gardent une trace du nombre de pas qu'ils font chaque jour. Le territoire remportant le plus grand nombre de pas est alors élu le plus actif de Flandre pendant un an. Afin de diversifier les prix, plusieurs titres sont distribués dans diverses sous-catégories. D’ailleurs, pour animer l’évènement, VIGeZ collabore désormais avec le Logos flamand (consultation locale de santé), les pharmaciens et les caisses d'assurance maladie.
1/3 des communes participent
Au fil des années, l'événement a pris de l’ampleur. En 2014, 60 des 300 municipalités ont souhaité se renseigner et ont fait la promotion localement de cette compétition. C’est ainsi qu’elles ont pu commencer à travailler de manière indépendante en tant qu'organisation. Les municipalités ont pu tout faire à distance en suivant en ligne les différentes étapes et en ayant accès à du matériel promotionnel. Pour accroître la notoriété de la marque, des Flamands bien connus ont été sollicités sur Twitter et Facebook. Le présentateur de radio et de télévision flamande, Sven Ornelis, est d’ailleurs le visage de la campagne de promotion qui a été mise en place au niveau régional et flamand.Un moyen efficace pour sensibiliser un plus grand nombre, mais aussi pour faire appel au sens de la communauté de chaque habitant et à l'engagement local des villes et des communes. Résultat : en 2016, un tiers des communes flamandes participaient à cette compétition. Un partenariat public-privé a également débuté cette année-là puisque des partenaires commerciaux se sont ajoutés au programme. Le site Web des 10 000 pas a lui aussi évolué. Il offre désormais la possibilité de créer des sous-groupes de plus petite taille pour que les villages, les entreprises, les familles ou encore des groupes d’amis puissent se challenger.
Seul bémol au tableau : l’utilisation de nouvelles technologies qui reste à la traîne. Et bien qu'il existe déjà plusieurs smartphones, applications et trackers d'activité bien connus qui suivent les étapes rapidement et avec précision, VIGeZ reste réticent à promouvoir ces outils. Selon l’organisme, il existe encore trop de grandes différences de mesures. VIGeZ souhaite remédier à cela via une plate-forme renouvelée mieux adaptée aux applications et aux trackers innovants. En attendant, les participants peuvent tout de même utiliser des applications pour smartphone et des trackers d'activité, en plus des podomètres classiques. Les étapes mesurées par ces outils externes sont automatiquement synchronisées avec l'application 10 000 pas.
L’indétrônable Lichtervelde, la commune la plus active de Flandre
Parmi toutes les municipalités participantes, l’une d’elles se démarque nettement ! Il s’agit de Lichtervelde. Cette dernière a remporté le prix à quatre reprises et est désormais connue comme LA commune la plus active de Flandre. En 2020, les habitants de Lichtervelde ont fait en moyenne 7,625 kilomètres par jour. “ C'est un excellent moyen de mettre la municipalité sur la voie d'une lutte saine ”, se réjouit Els Kindt, échevin et conseiller provincial de Lichtervelde.
Selon elle, l’engouement de la population est toujours au rendez-vous. En particulier à l'approche de la compétition en mai où les résidents s'y inscrivent quotidiennement. Kindt est d’ailleurs une participante assidue ! “ Pour la cinquième fois consécutive, nous partons en pèlerinage avec des amis à Halle le vendredi et samedi de la Pentecôte. Nous avons de la chance cette année, car nos pas comptent pour la compétition ! Et nous en faisons plus de 150 000 chacun en deux jours ! Ce n’est pas rien.” La municipalité de Lichtervelde n’est pas leadeuse pour rien. Chaque année, elle distribue des podomètres lors de consultations locales avec un guide explicatif. Une façon pratique de toucher des groupes de personnes moins familières aux aides numériques. De plus, en collaboration avec les services de soins, la ville recrute des participants via une communication digitale.
Les prochains enjeux pour s’inscrire sur le long terme
Ces dernières années, l’Institut flamand de la vie saine a souhaité accentuer ses efforts de communication sur la compétition des 10 000 pas. Après une évaluation, l'institut a conclu que cet évènement doit reposer sur plusieurs piliers pour rester un succès à long terme. Si les municipalités, les entreprises et les groupes de personnes continuent de se challenger via la plate-forme en ligne, une nouveauté vient d’être mise en place cette année. Intitulée Healthy Living, il s’agit d’un nouveau plan de sensibilisation planifié sur quatre ans. Cette fois, il prend en compte d’autres facteurs, tels que le contact du personnel, la mise en place de panneaux préventifs, des actions concrètes de remise en forme et de nouvelles collaborations avec des organisations pour venir en aide aux personnes vulnérables. L'année 2021 sera ainsi consacrée à la signalisation routière. En effet, des affiches, des marquages au sol ou encore des paillassons seront dispatchés dans la ville pour encourager les résidents à faire plus d'exercice. D’après plusieurs données collectées, ces nouveaux dispositifs ont déjà fait leurs preuves et vont induire des comportements positifs au sein des populations concernées.
Annelies Vandenberghe, membre du personnel de Healthy Living et coordinatrice du projet des 10 000 pas, considère que la réussite de cet événement repose sur l’implication de diverses autorités locales via plusieurs canaux. Auparavant, de nombreuses communes avaient déjà travaillé soit avec Healthy Living, soit avec la Flanders Sports Agency, qui est responsable de la politique flamande du sport. Ces anciennes collaborations ont permis de rapidement développer et faire connaître les changements à mettre en place. Lichtervelde est d’ailleurs l'une des municipalités qui entame le processus de quatre ans. "Nous avons déjà des signalisations en place qui sont visibles sur la photo", explique Els Kindt de la commune de Lichtervelde. " Des pas sont notamment indiqués entre les différents lieux importants de la commune."
Quoi qu’il en soit, l ‘intérêt des villes et des communes flamandes ne cessent d’augmenter. Cette année, 218 sur les 300 communes répertoriées se sont déjà enregistrées. Ces dernières ont reçu tout l'équipement nécessaire pour commencer à préparer cette compétition. À l'automne, la campagne de communication sera lancée pour familiariser les résidents flamands avec le thème des 10 000 marches. Même si des signes des années précédentes sont encore visibles dans certaines communes, de nouveaux autocollants sont prévus pour marquer la nouvelle cession.
Quels sont les impacts de cette compétition annuelle ?
Si l'exercice est sain, a-t-il un réel bienfait sur les populations participantes ? Finalement, ce projet de 10 000 pas incite-t-il vraiment à faire plus d'exercice le reste de l’année ? D’après l’analyse des recherches élaborées en 2005, il semblerait que oui ! Les Flamands sont plus enclins à prendre soin de leur santé et restent moins inactifs. Cela conduit à la prévention de certaines maladies et aide à lutter plus efficacement contre diverses pathologies. Mais qu'en est-il de la motivation intrinsèque et du changement de comportement à long terme ? Selon Annelies Vandenberghe, le contact personnel joue un rôle majeur dans les changements des habitudes des populations. En particulier avec certains groupes d’individus tels que ceux en situation financière précaire. Ils sont moins soucieux de rester en bonne santé en faisant de l'exercice, car ils ont d’autres priorités à gérer. “Lorsque vous avez du mal à mettre un morceau de pain sur la table, cela paraît complètement inutile de les inciter à bouger plus. ”
“Chaque groupe cible nécessite une approche différente”, explique-t-elle. Elle cite notamment les personnes âgées qui peuvent être facilement convaincues par les bienfaits d’une activité physique régulière. Cela peut par exemple les aider à prévenir de chutes ou encore à vivre plus longtemps de manière autonome et se sentir moins isolées. Si ce type de discours reste encore trop peu utilisé, il peut convaincre petit à petit un plus grand nombre de personnes. Et les professionnels de santé et tous les intermédiaires ayant déjà des contacts avec des groupes vulnérables ont un rôle à jouer dans la diffusion de ce message. Que ce soit les services sociaux de la commune, les médecins généralistes, les caisses d'assurance maladie ou encore les accompagnateurs, il est de la responsabilité de chacun de mieux sensibiliser et de promouvoir les bienfaits du sport quotidien.
Vandenberghe indique cependant qu’il faut bien nuancer et angler son discours. Auparavant, il était surtout question de compétitivité. Battre son voisin servait de moteur incitatif pour recruter des participants. Une mauvaise idée qui a fait perdre de vue des notions de santé globales plus importantes. Ainsi, un plan étape par étape a été élaboré sur le site Web qui répond mieux à la motivation intrinsèque des personnes. Il indique comment vous pouvez soutenir cela et faire en sorte de modifier durablement les mauvais comportements. Cela passe par la gamification, l'auto-surveillance, les conseils personnels, le soutien social ou encore la définition d'objectifs précis.
Restrictions des subventions gouvernementales : le nouveau challenge à relever
Le succès des organisations qui souhaitent faire de la prévention dépend aussi des subventions qu’elles reçoivent. Et depuis quelques années, les contributions financières de l'Agence pour les soins et la santé sont de moins en moins importantes. C'est pourquoi, selon Vandenberghe, ce sera un défi dans un proche avenir de pouvoir mettre en œuvre toute la politique avec des ressources toujours plus limitées. Et bien que prévenir des maladies grâce à des actions concrètes comme rester actif ait fait ses preuves, l'attention des gouvernements (fédéral et flamand) semble être ailleurs. C’est ainsi que le budget de prévention ne représente que 2,2% des dépenses totales de santé.
Pourtant la recherche a mis en lumière que les trackers d'activité sont plus efficaces pour augmenter l'activité physique que les podomètres. Généralement ce type de technologie offre un suivi beaucoup plus complet. Ils proposent notamment des fonctions intéressantes telles que la consommation de calories, la qualité du sommeil, proposent des conseils diététiques, permettent de mesurer la fréquence cardiaque et la distance parcourue. Une prise en charge connectée qui apporte une plus grande satisfaction des utilisateurs. Enfin, de nombreuses entreprises technologiques utilisent des techniques éprouvées de motivation. Les applications liées aux trackers de fitness envoient des notifications push, attribuent des médailles ou des prix ou encore proposent de lancer des défis à ses amis ou d’autres personnes connectées.
Alors, face à une telle émergence high-tech, il se peut que certains perçoivent la plateforme 10 000 pas comme un projet obsolète. Et si en réalité, il était justement le moyen de rester vraiment connecté ? C’est-à-dire le moyen de développer son sens de la communauté, d’être un acteur local et de participer à la vie de son quartier ou de son village. Des notions qui sont clairement moins développées par les nouvelles technologies. Ainsi, la clé du succès repose sur tous ces enjeux : soutenir les groupes vulnérables avec un contact personnel, promouvoir à grande échelle dans chaque municipalité et stimuler un sentiment de communauté parmi les résidents.
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