Avec son deuxième appel à projets, appelé Onco-Tech, E-Health Venture souhaite promouvoir l'innovation numérique dans le domaine de l'oncologie et dans la recherche sur le cancer. Pour y parvenir, elle vient de s’associer avec la Fondation contre le cancer, un partenaire majeur dans ce domaine qui bénéficie de l’expertise et du réseau essentiels aux start-ups du secteur d’e-santé en oncologie. « La structure belge rend l'innovation difficile, mais cela ne doit pas nous rendre pessimistes, au contraire nous devons
agir. »
« L'Ancien et le Nouveau Testament », c'est ainsi que Benoit Koerperich et Didier Vander Steichel se surnomment en riant. Cela fait désormais un peu plus d’un an que Benoit Koerperich a repris le flambeau de Vander Steichel en tant que directeur général de la Fondation belge contre le cancer. « Didier est là depuis le tout début », souligne-t-il. « Il représente clairement la Bible de cette organisation ! » En effet, Vander Steichel, qui était à la tête de l’organisation depuis 2016, a souhaité retourner à son ancien poste de directeur médical et scientifique de la Fondation.
SmartHealth a eu l’opportunité de s’entretenir avec les deux hommes grâce au programme Onco-Tech auquel la Fondation participe. Bien que Benoit Koerperich et Didier Vander Steichel ne soient pas directement impliqués, certains membres du conseil d'administration vont contribuer au processus d'évaluation médicale des projets sélectionnés. « La Fondation contre le cancer n’a pas pour but de faire la promotion de l'innovation technologique en oncologie, mais nous faisons beaucoup d'autres choses », explique le nouveau directeur général. « Nous sommes notamment très actifs dans le domaine de la prévention sur laquelle nous communiquons beaucoup et faisons aussi pression sur les gouvernements. Nous agissons également en tant qu’entité de consultation pour les patients atteints de cancer. Enfin, nous soutenons la recherche scientifique. D’ailleurs, nous participons à de nombreux projets dans ce domaine. »
Smarthealth : Pouvez-vous donner quelques exemples ?
Benoit Koerperich : Nous participons à des projets dans les domaines de la recherche fondamentale, de la recherche clinique et de la recherche translationnelle. Dans tous ces projets, nous recherchons également des solutions technologiques dans la mesure du possible. Il ne s'agit pas seulement d'essayer de développer de nouveaux médicaments, mais aussi d'apporter des solutions numériques. Par exemple, lorsque des universités ou des centres de recherche proposent des projets sur lesquels nous pouvons collaborer, nous disposons toujours d'un avis scientifique spécialisé. Pour l'appel à projets Onco-Tech, le professeur Eric Van Cutsem, une autorité en matière de recherche européenne sur le cancer, préside à la sélection de tous les projets. Nous ne nous prononçons donc pas sur les solutions technologiques de l'appel, mais bien sur la destination des solutions.
En soi, notre rôle coopératif est très clair : nous sommes un point de contact permanent pour les entreprises qui ont des questions ou qui veulent en savoir plus sur la recherche en oncologie. Après tout, nous sommes une organisation nationale disposant d'un solide réseau avec tous les hôpitaux belges, sans oublier tous les contacts dont dispose notre conseil d'administration. Nous avons donc une parfaite visibilité de ce qui se passe dans notre secteur en Belgique, mais aussi dans le monde. Cette connaissance est essentielle si vous souhaitez développer un nouveau projet : nous connaissons ce qui existe déjà, nous pouvons soutenir de nouvelles entreprises grâce à notre vaste réseau et, en tant qu'organisation nationale, nous avons de nombreux contacts avec des établissements nationaux étrangers de lutte contre le cancer. C'est précisément la raison pour laquelle E-Health Venture a voulu s'associer à nous. Si un projet en oncologie est médicalement intéressant, encore faut-il lui trouver un marché. C’est là où notre soutien facilite grandement les choses surtout pour les start-ups récentes.
Smarthealth : Un appel à projets numériques en oncologie est tout à fait remarquable. C’est d’autant plus inattendu puisque, selon les études dans ce domaine, l’e-santé est considérée comme un plus…
Didier Vander Steichel : C'est vrai, mais nous constatons que les outils numériques destinés aux patients atteints de cancer occupent une place de plus en plus importante. Ce n’est d’ailleurs pas la première fois que nous finançons de telles initiatives numériques dans le cadre de projets de recherche. L'accent n'a pas été mis ici sur la solution elle-même, mais elle en fait partie. Pour vous donner quelques exemples concrets, nous apportons un soutien financier à la Fondation du registre du cancer, qui s'occupe de l'enregistrement, de l'incidence et des statistiques officielles concernant le cancer dans notre pays. Une partie de la subvention que nous leur accordons est également utilisée pour effectuer de l'apprentissage automatique sur leur base de données. Nous distribuons aussi des subventions non seulement scientifiques, mais aussi sociales. Ces dernières sont, entre autres, axées sur le bien-être des patients atteints d'un cancer. Dans le cadre de tels projets, nous avons déjà financé des solutions numériques pour mieux suivre la qualité de vie des patients pendant ou après leur traitement.
Smarthealth : Où en est la Belgique en termes d'innovation technologique en oncologie ?
Didier Vander Steichel : L'imagerie et l'apprentissage automatique sont deux aspects importants au sein de l'oncologie, mais il se passe beaucoup plus de choses dans notre pays. La mammographie numérique, par exemple, est de plus en plus utilisée pour le dépistage du cancer du sein. Il a également été prouvé que l'intelligence artificielle peut améliorer le diagnostic des radiologues. Pour un profane, cela peut sembler évident, mais il est important de préciser que les solutions numériques en oncologie ne sont jamais destinées à remplacer un médecin ou une infirmière. Au sein même du secteur, cela est parfois perçu différemment, mais l'innovation numérique sert précisément à renforcer et à faciliter le travail des professionnels de santé.
Smarthealth : Une étude menée aux Pays-Bas a également montré que les patients atteints de cancer qui ont un niveau d'éducation élevé ont plus facilement accès aux applications de soins numériques que ceux qui ont un niveau d'éducation moindre. Comment pensez-vous que cette lacune - qui n'est sans doute pas un phénomène exclusivement néerlandais - puisse être comblée ?
Didier Vander Steichel : La situation en Belgique ne sera pas très différente de celle des Pays-Bas, c'est vrai. Ici, il s'agit principalement de la culture sanitaire du patient : dans quelle mesure peut-il participer à la gestion de son propre traitement ? Cela montre que son niveau d'éducation peut impacter sur la recherche d'information, et donc sur la manière dont il peut coopérer dans l’implication de sa prise en charge.
Benoit Koerperich : Non seulement au niveau du patient, mais aussi au niveau des soignants. Le but initial est bien de rechercher de plus en plus des solutions ambulatoires ou des soins sans hospitalisation ou uniquement de jour. Cette démarche n’est pas forcément facile à mettre en place. Dans le cas du cancer, cela implique une grande quantité de soins spécialisés, qu'il est difficile de laisser aux personnes elles-mêmes. De fait, les besoins d'une éducation plus spécifiques sont plus importants.
Didier Vander Steichel : Cela me rappelle une initiative que nous avons soutenue il y a quelques années. Le traitement à domicile en oncologie est en effet en plein essor et va continuer à se développer, y compris à l'étranger. Il est d’ailleurs déjà utilisé depuis longtemps pour suivre les personnes atteintes d’un cancer. Comme le dit Benoit, les soignants du secteur primaire ont des connaissances en oncologie qui ne sont pas toujours à jour, notamment sur les effets secondaires possibles chez un patient. Les hôpitaux ou services oncologiques tentent parfois d'y remédier, par exemple en faisant appel à des infirmières spécialisées pour suivre les personnes malades à l'hôpital.
Smarthealth : L’innovation dans les soins de santé belges est très difficile en raison des structures établies. Un appel à projets comme Onco-Tech peut-il faire la différence ?
Didier Vander Steichel : Nous ne devons certainement pas être pessimistes à cet égard. Notre pays se situe au quatrième rang de l'incidence du cancer en Europe, ce qui signifie que cela concerne de nombreuses personnes qui sont fréquemment diagnostiquées en Belgique. Néanmoins, si vous considérez la mortalité par cancer, nous obtenons de bien meilleurs résultats que de nombreux pays européens. Bien que la structure belge ne soit certainement pas toujours facile, la qualité de nos soins oncologiques reste de grande qualité, bien au-dessus de ceux prodigués dans beaucoup de pays environnants.
Benoit Koerperich : L'intention n'est évidemment pas de contrôler complètement le marché belge. Ce qui est important, c'est que nous avons un très bon réseau d'hôpitaux en Belgique avec du personnel très compétent. En effet, les employés hospitaliers connaissent leur métier sur le bout des doigts. La Belgique est également très bonne en ce qui concerne les différents types de traitement. Prenons l'exemple de l'immunothérapie : il y a trente ans, la Belgique a joué un rôle de pionnier dans ce domaine. La Fondation contre le cancer l'a toujours soutenu, et même aujourd'hui, des personnes viennent de l'étranger pour être traitées ici.
Didier Vander Steichel :En matière de recherche aussi, nous constatons que la barrière de la langue n'existe pas entre les universités. Très souvent, les projets multi-universitaires sont mis en place entre le nord et le sud ou l'ouest et l'est du pays. Et nous essayons également, en tant qu'organisation nationale, de promouvoir cette coopération, par exemple entre hôpitaux ou centres de recherche.
Benoit Koerperich : La Belgique n’a effectivement pas une bonne réputation en ce qui concerne sa structure étatique, mais en réalité, il existe de nombreuses collaborations entre différentes organisations par-delà la frontière linguistique. Nous jouons également un rôle important dans ce domaine, en favorisant la coopération entre ces instituts ou centres de recherche. Pour être honnête, je suis sûr que l'oncologie belge va s’améliorer de plus en plus, mais cela va prendre du temps. Nous ne pouvons qu'espérer qu'à travers notre partenariat avec Onco-Tech, nous apporterons une contribution positive.
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