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Le cancer concerne tout le monde de manière directe ou indirecte. Cette maladie débilitante a un impact physique, psychologique et émotionnel majeur sur la vie des personnes malades ainsi que sur leurs proches. Selon Mies Van Eenbergen, qui prépare un doctorat sur le cancer et ses enjeux liés à l’utilisation d’Internet, une plus grande implication du patient permet de mieux gérer les conséquences de cette pathologie. Mais l'usage de l'e-santé en oncologie va-t-elle vraiment de soi ?
Internet est un lieu d'information pertinent pour les patients depuis plus de deux décennies. Les sites web les informent afin de mieux comprendre l'impact de la maladie ou encore leur permet de rentrer plus facilement en contact avec d'autres malades. Outre ce moyen d'échanges, il existe des applications de santé pour les problèmes courants tels que l'anxiété et la fatigue.
Au moins 80 % des patients cancéreux souffrent d'asthénie au cours de la première année de traitement. Une personne sur trois continue à en souffrir à long terme, soit environ 350 000 patients en rémissions complète. Dans le monde, des dizaines de millions de personnes souffrant de fatigue chronique sont concernées, ce qui impacte grandement leur vie quotidienne. C’est notamment le cas dans l'accomplissement des tâches quotidiennes ou encore le maintien d'une vie sociale normale.
Pour 85 % des (ex) patients atteints d'un cancer, Internet est une source importante de soutien durant le traitement et pendant le suivi. Ainsi, les soins numériques font partie des éléments essentiels aux soins quotidiens. Cependant, tous les malades n'en bénéficient pas à l'heure actuelle. Il existe un clivage entre ceux instruits ayant facilement accès aux applications de soins numériques et ceux dont les connaissances sont moindres et dont les compétences sont limitées pour utiliser de tels supports numériques. La chercheuse et conseillère Mies Van Eenbergen, de l'Integraal Kankercentrum Nederland (IKNL), met en lumière les rôles des professionnels de soins, du patient et du développeur de technologies lorsqu'il s'agit de fournir des soins numériques adaptés aux patients suivis en oncologie.
Mieux vivre avec les symptômes d'un cancer
Mies Van Eenbergen vient tout juste d’obtenir son doctorat à l'université de Tilburg avec une thèse sur le cancer et sa corrélation avec Internet : Comment les patients recueillent, connectent et communiquent pour faire face au cancer ? Elle fait valoir qu'en moyenne, un malade impliqué arrive à mieux faire face aux conséquences de la maladie. Selon elle, les patients ont besoin d’entendre des témoignages des personnes vivant la même épreuve. Ils nécessitent également d’avoir accès à leur dossier et de recevoir des renseignements fiables et compréhensibles sur leur pathologie. Les applications numériques de soins de santé peuvent répondre à ce besoin d'information. Les professions de santé sont, bien souvent, ceux qui les suggèrent aux patients. Par exemple, quels sont les applications, les appareils et les sites web dont l'utilisation est fiable.
Pour une partie des patients atteints d'un cancer, le manque de compétences informatiques est un obstacle majeur à l’accès à ces outils. Autre problème notable : le nombre conséquent de personnes ayant aussi un déficit linguistique. En effet, environ 2,5 millions de Néerlandais sont faiblement alphabétisés. En outre, un tiers de la population néerlandaise a des compétences limitées en matière de santé. Diverses études ont montré que ces individus recourent davantage aux soins et ont une moins bonne santé. Il s'agit notamment de personnes qui ne sont pas conscientes des effets néfastes d'une mauvaise alimentation et d'un exercice physique limité sur l'organisme. De plus, l'espérance de vie des personnes ayant un faible niveau d'éducation est jusqu'à six ans inférieure à la moyenne.
Ainsi, une mauvaise connaissance de la santé est plus fréquente chez les personnes peu instruites et celles qui ont un faible niveau d'alphabétisation. Cela peut se constater notamment lorsque le médecin requiert une prise de mesures corporelles à domicile et demande de les conserver numériquement, alors que le patient est incapable de le faire par manque de connaissances, de compétences et de ressources. Bien souvent, par gêne, la demande est ignorée ce qui entraîne une frustration du médecin et du patient dans le processus de soins.
Des besoins plus importants que les possibilités actuelles
Alors que les soins numériques dans d'autres spécialités (comme les soins de santé mentale) font désormais partie intégrante des traitements quotidiens, ce n'est pas le cas en oncologie. L'utilisation de l'e-santé est considérée comme un « extra ». D’après Mies Van Eenbergen, la responsabilité de faire évoluer les choses repose sur les épaules de toutes les personnes impliquées dans la prise en charge des malades. Quant aux patients, ils doivent faire part de leurs souhaits et de leurs besoins en matière de support numérique de manière explicite au prestataire de soins. Cette participation est essentielle puisqu’elle permettra aux développeurs de mettre au point des applications et des dispositifs qui répondent mieux aux nécessités des malades. « Nous constatons que les souhaits des personnes cancéreuses en matière d'e-santé sont plus importants que les possibilités », déclare la doctorante.
Néanmoins, un problème demeure : dans quelle mesure les patients savent réellement ce qu'ils veulent et quelles applications de santé en ligne ils souhaitent utiliser ? S'ils manquent déjà de compétences numériques, il est difficile d'indiquer comment ces outils peuvent apporter une contribution positive au cours de leur traitement et de leur suivi. L’usage des logiciels numériques pour les médecins est chose courante, mais pas pour les malades. Une question reste donc en suspens : la formation médicale tient-elle suffisamment compte de la complexité des outils de soins numériques proposés aux groupes vulnérables ?
Innovation en oncologie
Plusieurs initiatives néerlandaises répondent à la nécessité d'offrir davantage de soutien numérique aux malades. Au printemps dernier, l'application néerlandaise Untire, développée par la start-up Tired of Cancer basée à Utrecht, a été désignée comme l'une des 5 meilleures solutions numériques pour les personnes cancéreuses par l'organisme de recherche britannique ORCHA. Un classement effectué après l’analyse de 3 000 applications proposant des soins d’e-santé en oncologie. Jugées par ORCHA, moins de 200 applications ont survécu à la première sélection. Parmi ceux-ci, seul un quart a reçu une note satisfaisante. L'évaluateur britannique a appliqué pas moins de 350 critères, tels que la validation clinique et la convivialité de l'application. Untire a su se démarquer en apportant du soutien aux patients en rémission complète, mais qui souffrent toujours de fatigue chronique. Door Vonk, conseiller en soins et cofondateur, avait précédemment déclaré que les besoins des (anciens) malades atteints d'un cancer avaient été soigneusement écoutés.
Un nom bien établi est kanker.nl. Cette plateforme numérique, à l’initiative de KWF Kankerbestrijding, est destinée elle aussi à ceux qui ont survécu à un cancer ainsi qu’à leurs proches. En plus de fournir une liste d'applications fiables comme Untire, les patients peuvent se rendre sur le site pour tout ce qui concerne le processus de leurs soins. Kanker.nl permet de prendre contact avec des spécialistes affiliés à différents hôpitaux. D'autres professionnels peuvent également être contactés. C’est notamment le cas pour apporter un soutien à ceux qui souffrent de problèmes mentaux, relationnels ou encore qui ont besoin de conseils nutritionnels. Cette plateforme numérique permet aussi aux malades d'entrer en contact entre eux et leur offre un espace pour partager leurs propres expériences en ligne. Enfin, Cancer.nl propose à ses utilisateurs des outils pour se préparer à dialoguer avec leur médecin.
Quels sont les évolutions possibles ?
Mies Van Eenbergen affirme que les souhaits des patients atteints d'un cancer en matière de santé en ligne sont bien au-dessus des possibilités actuelles. Les applications numériques qui soutiennent ce type de malades sont diverses et variées, mais elles ne sont pas encore à la portée de tous. Le chercheur IKNL considère que les soignants restent la source d'information la plus importante pour le patient. En tant que professionnels, ils ont les connaissances nécessaires pour orienter activement les personnes vers des ressources numériques fiables. Les développeurs de technologies pourraient alors impliquer davantage ces derniers dans le développement de leurs logiciels. Mais tout cela n'est utile que si les patients eux-mêmes font connaître leurs besoins.
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