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Promouvoir la santé publique et protéger les personnes contre les maladies et les incidents sanitaires. Il s'agit là des tâches essentielles des 25 GGD des Pays-Bas. Avec la crise du COVID-19, ces services municipaux font l'actualité chaque semaine, ce qui ferait presque oublier qu’ils luttent également contre les maladies infectieuses telles que les maladies sexuellement transmissibles (MST). Et force est de constater que ce secteur est en train d’évoluer : les laboratoires en ligne prennent la main sur le dépistage et font presque concurrence aux GGD en prenant en charge une partie des soins IST. Quelles conséquences cela aura-t-il pour les patients et leurs suivi ? SmartHealth s'est entretenu avec Testalize.me, Unilabs et deux GGD régionaux.
Les maladies et infections sexuellement transmissibles, communément appelées maladies vénériennes, (MST, IST), sont encore un sujet tabou. Souvent, les personnes n’osent pas se faire dépister par honte ou par peur. Au Pays-Bas, l’infection la plus courante est la chlamydia. Les autorités médicales estiment qu’un quart des femmes et 50% des hommes infectés ne présentent aucun symptôme. Ainsi, de nombreuses personnes souffrent de cette maladie asymptomatique et sans le savoir mettent en danger leur propre santé et celle des autres.
Diagnostic et traitement en ligne
Aux Pays-Bas, il existe plusieurs possibilités pour se faire dépister en cas de suspicion d'IST. Les personnes peuvent notamment s’adresser à leur médecin de famille, à des prestataires en ligne, faire une demande auprès d’un hôpital ou d’un service de santé municipal (GGD). Autre possibilité : obtenir un test à domicile en faisant une demande anonyme auprès d’une plateforme en ligne. Cette tendance est d’ailleurs en augmentation.
Cela fait déjà sept ans qu’Hubert Mooren a créé Testalize.me, un site web de soins en ligne pour les IST. Il estime que les diagnostics pourraient être faits plus facilement. Et les soins numériques anonymes sont une bonne solution pour les personnes qui ne souhaitent pas consulter ou se rendre dans un service de santé municipal. Cela détourne plusieurs problèmes freinant les dépistages tels que la gêne d’aborder le sujet avec son médecin de famille où de devoir justifier sa présence au cabinet médical du village où tout le monde se connaît. Ce type de patients ne sont généralement pas pris en charge en GGD ou par leur médecin traitant, précise Hubert Mooren. « Ils cherchent un moyen d'éviter de se rendre dans ces institutions. Et cela se ressent dans le nombre de dépistage que nous effectuons annuellement : nous testons maintenant des dizaines de milliers de personnes chaque année. »
Testalize.me propose ainsi à ses clients de recevoir directement leur test chez eux. Une fois les prélèvements effectués, les échantillons corporels sont envoyés par la poste à un laboratoire d’analyse. L'entreprise communique ensuite les résultats via leur plateforme en préservant toute l'anonymat des personnes testées. Récemment, la société a également commencé à proposer un nouveau service d’accompagnement thérapeutique. La plateforme propose ainsi une aide gratuite aux utilisateurs testés positifs à la chlamydia. Tout se fait de manière automatique. Dès qu’une personne est dépistée, elle reçoit un code unique généré par Testalize.me afin qu’elle remplisse un questionnaire d’orientation. Dans certains cas, notamment de leurs antécédents médicaux, les patients sont redirigés vers le médecin de famille. Pour les autres, les résultats de laboratoire sont vérifiés par un médecin affilié à l'entreprise. Il rédige une ordonnance numérique qui est directement communiquée à une pharmacie. Cette dernière prépare le traitement antibiotique et l’envoi à domicile. La start-up propose également une plateforme en ligne permettant aux personnes infectées d’informer anonymement leurs (ex) partenaires sexuels.
Cette pratique de soins numérisés n’est pas unique. Certains laboratoires renommés l’utilisent depuis plusieurs années. C’est notamment le cas d’Unilabs (anciennement Saltro) qui affirme que cette offre de diagnostics direct illustre parfaitement la tendance actuelle où les personnes souhaitent avoir davantage de contrôle sur leur santé. Tout comme le site Testalize.me, le laboratoire mentionne également le fait que les consommateurs peuvent avoir des raisons de ne pas demander un dépistage à leur médecin généraliste, toujours dans le but de garder l’anonymat.
La santé publique avant tout
Cette nouvelle pratique redéfinit la façon de gérer les dépistages, y compris pour les centres de soins municipaux. Alors comment les intègrent-ils ? D’après Gijs Dee, porte-parole du GGD Rotterdam-Rijnmond, cela n’est pas une mauvaise évolution : « En tant que GGD, nous servons la santé publique et nous nous concentrons sur des groupes de personnes spécifiques. Les prestataires commerciaux de ces soins ont un public plus large et fournissent également certains de nos produits, mais dans un but lucratif. D’une certaine façon, cela en fait des concurrents. Néanmoins, ils restent une bonne option de dépistage alternatives pour les personnes qui ne sont pas couvertes par les régimes complémentaires ou pour celles où le coût n’est pas un frein. » Il poursuit en précisant que « le forum en ligne de STI AIDS NL, fait d’ailleurs déjà appel aux prestataires commerciaux pour certains groupes cibles qui ont suivi un accompagnement.»
Finalement, plus le nombre de personnes contactées est élevé, mieux nous pouvons lutter contre ce type de maladies infectieuses. Cependant, nous pensons qu'il est aussi important que ces tests alternatifs soient correctement exploités surtout lorsqu'il s'agit de traiter un patient ou encore d'alerter des partenaires. Pour nous, il est essentiel que la santé publique passe avant tout. »
Harriette van Buel, infirmière en santé sexuelle à GGD IJsselland, n’y voit pas non plus d’inconvénient à condition que la fiabilité du dépistage ne soit pas compromise. « Tant qu'il s'agit de tests accrédités, il n'y a pas de problème à mon avis. Cependant, il arrive souvent qu’une fois que l’IST est détectée, le patient doit prendre lui-même rendez-vous avec son médecin généraliste. Effectivement, pour le moment elles ne peuvent pas directement poser leurs questions en ligne. C'est dommage. »
Un système de soins trop lent
Pour Hubert Mooren de Testalize.me, la lourdeur des procédures au GGD est une des raisons du succès de la start-up. En tant qu'entrepreneur, il est surpris par les nombreuses étapes qu'un patient doit franchir pour obtenir des soins. « La prise d'un rendez-vous ainsi que toute la mise en place d’un suivi ou d’un traitement prend parfois quelques semaines. C'est fou que nous soyons encore de nos jours obligés d’aller chez un médecin. Dans 85 % des cas, vous n’avez pas de problème physique. À mon avis, un généraliste devrait principalement traiter ou consulter via les outils numériques. La majorité des personnes, comme les étudiants et autres jeunes adultes, se débrouillent très bien avec les services en ligne. Ils le font avec autant de facilité qu’ils commandent un Uber ou leurs courses en ligne. »
Chez Unilabs, Esther Talboom-Kamp et Sanne van Delft partage également cette vision. « Nous pensons que les questions de santé simples peuvent être parfaitement traitées par voie numérique. Mais il faut que cette possibilité soit proposée de manière claire et compréhensible à tous. Beaucoup de soins basiques peuvent être facilement réaliser en ligne. C’est finalement un gain de temps pour tous. D’ailleurs, cela permet aux médecins généralistes d’avoir plus de temps pour les patients qui en ont réellement besoin. »
Les limites des soins à distance
Le GGD a conscience de ce besoin de changement et tente de suivre cette évolution à sa vitesse. Van Buel de GGD IJsselland explique d’ailleurs que « La société actuelle cherche toujours la rapidité et la facilité, ce que permet dans la majorité des cas l’utilisation des prestations numériques. Cette évolution est irrémédiable dans beaucoup de domaines, y compris dans la gestion des soins. Nous souhaitons donc l’accompagner. Nous avons d’ailleurs déjà commencé en proposant des consultations vidéo ou encore en envoyant des tests à domicile aux jeunes de moins de 23 ans. Si les résultats sont positifs, ils sont invités à consulter en GGD pour recevoir leur traitement. Une fois sur place, c’est l'occasion d’aborder la question d’informer les partenaires sexuels et aussi de répondre à leurs interrogations. Cet échange est important, cela permet de mieux informer et de sensibiliser les populations. C’est justement ce qui fait défaut aux tests en ligne : le contact humain. À distance, c’est plus difficile de créer une atmosphère de confiance où les patients se sentent libres de poser toutes leurs questions, qui souvent abordent des sujets autres qu'une IST. »
Le GGD Rotterdam-Rijnmond est également à la recherche d'applications numériques qui apportent une réelle valeur ajoutée aux patients et à l'organisation. « Nous avons conscience de la complémentarité qu’apportent les soins en ligne. Nous explorons actuellement comment bien les intégrer à nos services physiques actuels. Outre les téléconsultations occasionnelles, nous travaillons notamment sur la mise en place d’un système pour des e-consultations régulières, voire systématiques. Nous visons, par exemple, les personnes à faible risque qui sont capables de faire leur test chez eux et d’envoyer leurs échantillons pour analyse », explique Gijs Dee.
Hubert Mooren de Testalize.me convient qu'ils ne peuvent pas et ne veulent pas assumer complètement le rôle du médecin généraliste ou du GGD. « Certains types de patients ont un réel besoin de consulter un médecin de famille ou d'un GGD. Il s’agit notamment de personnes dont leur médecin joue aussi le rôle de confident, celles ayant un passé violent, souffrant d’infections plus graves ou encore de troubles psychologiques. C'est un groupe d’individus plus restreint, mais ils doivent avoir accès à une consultation physique à tout moment. D’ailleurs, ce type de personnes ne peuvent pas être dépistées chez nous, encore moins traitées. Pour l’instant, nous ne faisons pas de tests pour le VIH et la syphilis, car ils nécessitent une démarche de suivi différente »
Ce qui est certain, c'est que toutes les parties reconnaissent qu'une transition partielle des soins en ligne est nécessaire, voire inévitable. Hubert Mooren résume bien la situation en affirmant « que nous pouvons maintenir les soins de santé à un prix abordable en proposant des diagnostics à distance. Les personnes seront toujours plus enclin à faire un test si vous éliminez la majorité des obstacles tels que le temps, le lieu et la gêne occasionnée. »
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