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L'acquisition par Microsoft pour plusieurs milliards de dollars de Nuance, le plus grand fabricant de systèmes de reconnaissance vocale destinés au secteur de la santé, a dominé l'actualité technologique cette semaine. Avec cette acquisition, Microsoft prend d’un seul coup pied partout dans le monde dans l’univers des médecins et de leurs systèmes de dossiers médicaux électroniques. Mais les deux autres géants américains du cloud, Amazon et Google, ainsi qu'Apple, ne laissent planer aucun doute sur le fait que les patients et l'IA sont les clés du marché mondial des logiciels de santé et des services connexes. Comme en témoignent les annonces de lancements de produits qui se sont multipliées ces dernières semaines. .
Un bon exemple de cette tendance est l'annonce par le Beth Israel Deaconess Medical Center de Boston de sa participation à un projet pilote d’intégration d'une fonction de recherche de dossier électronique des patients développée par Google. Avec cet outil de recherche Google, appelé Care Studio, les médecins peuvent se connecter et naviguer dans n'importe quel système hospitalier pour trouver les informations dont ils ont besoin en tapant un mot, une abréviation ou une phrase dans la barre de recherche de Care Studio. L'outil extrait ensuite les informations pertinentes du dossier médical de leur patient à partir de sources multiples, ce permet aux cliniciens de gagner du temps en leur donnant une vue unifiée des signes vitaux, des analyses, des médicaments et des notes.
Dans le cadre du projet pilote, un groupe de 50 médecins et infirmières examinera l'outil pour garantir la qualité et la sécurité de son utilisation, a déclaré Google. En 2019, une collaboration similaire entre Google et une autre organisation de soins de santé (Ascension) a soulevé des problèmes de confidentialité chez les patients et les cliniciens, qui ne savaient pas que certains employés de Google avaient accès aux données des patients pour le projet. Ascension a déclaré que le projet était conforme aux directives de confidentialité en vigueur aux États-Unis et que Google ne devrait pas utiliser les données à des fins de marketing ou de recherche. Pour ce nouveau projet, les données des patients utilisées par Care Studio sont stockées dans un environnement protégé, à l’abri des autres clients Google.
Plusieurs fers au feu
Care Studio est l'un des nombreux fers que Google, ou plutôt la société mère Alphabet, tient au feu pour renforcer sa future position sur le marché de la santé. Grâce à sa filiale de recherche Veril, à sa centrale d’IA Deepmind et à ses services cloud axés sur les soins de santé, mais aussi à l'acquisition de Fitbit, Google joue sur plusieurs tableaux. Il semblerait même que Google s’intéresse à nouveau aux applications permettant aux patients de consulter et d'organiser leur dossiers médical, selon un rapport d’information publié par le STAT américain cette semaine. Tout comme Microsoft, Google a déjà tenté (ratée) d’offrir un service que nous appellerions probablement un PBM (Personal Health Environment) aux Pays-Bas aujourd'hui.. Microsoft HealthVault et Google Health ont été lancés en grande pompe vers 2007 en tant que complément logique aux systèmes de dossiers des hôpitaux et des médecins généralistes. Mais les consommateurs de l'époque n'étaient pas très enthousiastes à l’idée d’un tel service en ligne (devenu ensuite une application), et Google et Apple ont mis fin à ces initiatives il y a quelques années.
C’est surtout Apple qui a repris le fil en 2014 avec l'introduction de son application Health. Là encore, l'idée était que vous disposiez d'un espace sécurisé sur votre smartphone pour avoir à tout moment à portée de main vos propres dossiers médicaux provenant de diverses sources, pour votre propre gestion. Apple avait appris de Google et de Microsoft que la coopération avec les hôpitaux et leurs fournisseurs de DPE est une condition préalable essentielle de réussite. Après des débuts prudents, de nombreux hôpitaux, pharmacies et autres prestataires de soins de santé proposent désormais un lien avec l'application Apple Health afin que les citoyens puissent importer leurs dossiers. En outre, Apple lui-même est de plus en plus un fournisseur de données médicales. Grâce aux capteurs toujours plus performants de l'Apple Watch, les données sur la fréquence cardiaque, le sommeil, les mouvements et la saturation en oxygène sont également utilisées pour la recherche scientifique et dans un cadre clinique.
Via le consommateur vers le dossier hospitalier
Ainsi, Google semble également chercher à passer par les consommateurs pour accéder aux données de leurs dossiers patients dans les hôpitaux et autres prestataires de soins de santé, fournissant ainsi une matière première indispensable à ses algorithmes d'IA. Selon STAT News, Google recrute actuellement environ 300 patients pour ses recherches sur les dossiers médicaux provenant d’établissements de soins et de centres médicaux universitaires du nord de la Californie, d’Atlanta et de Chicago.Ceux-ci utilisent Epic, le leader du marché, comme fournisseur de dossiers médicaux. L'étude est uniquement ouverte aux patients utilisant des appareils Android. Dans un communiqué, un porte-parole de Google a déclaré que l'entreprise "menait un programme de retour d’informations pour tester les fonctionnalités permettant aux utilisateurs de collecter des informations de santé à partir des portails de patients de leurs prestataires", ajoutant que les données de santé collectées dans le cadre du programme de retpur d’informations ne seront ni vendues ni utilisées pour les annonces Google. Les informations sont cryptées et stockées dans le cloud, a précisé le porte-parole. Amazon avait également introduit un nouveau service il y a quelques mois qui permet aux établissements de santé de transférer des données de leurs dossiers électroniques vers un service cloud Amazon pour des applications d'analyse et d'IA, car Amazon collecte toutes les informations dans un lac de données et les normalise automatiquement pour l’apprentissage automatique.
Ne pas concurrencer directement le fournisseur de DPE : accès aux données malgré tout
Les nouveaux services proposés par Google, Amazon et Microsoft ont en commun de ne pas viser directement les logiciels de gestion de dossiers fournis par des entreprises telles qu'Epic, Cerner ou (aux Pays-Bas) Chipsoft. En proposant des services supplémentaires qui tirent davantage de valeur des données des patients, ils peuvent, sans concurencer directement les fournisseurs de DPE, jouer un rôle plus important dans le stockage et le traitement des données médicales. Le moment est propice pour eux, car aux États-Unis, les dispositions dites de blocage de l'information du 21st Century Cures Act sont officiellement entrées en vigueur la semaine dernière.
Cette nouvelle législation oblige les prestataires de soins de santé et leurs fournisseurs de logiciels à fournir aux patients qui le souhaitent un accès numérique à leur dossier médical. Non pas par le biais d’un portail, mais au moyen d'une interface(API) qui fonctionne selon des normes ouvertes. Ces dernières années, la Big Tech s'est révélée être une fervente partisane et lobbyiste de cette divulgation légalement obligatoire des données des patients. La levée du blocage de l’information peut constituer une incitation puissante à renforcer les droits des consommateurs et à innover davantage, mais il s’agit en même temps d’une étape bienvenue dans l’agenda des entreprises de technologie qui se heurtaient auparavant aux silos de données fermés des prestataires de soins de santé.
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