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Les innovateurs belges dans le domaine des soins de santé devront tôt ou tard faire face à la pyramide de validation mHealth Belgium. Le système d’évaluation des outils d’e-santé mis en place par le gouvernement fédéral. Les développeurs peuvent depuis fin octobre 2018 déposer une requête afin d’enregistrer leur application numérique. Ensuite, elles passent par plusieurs étapes afin d’évaluer si elles remplissent les conditions nécessaires en termes de qualité, de sécurité et d'efficacité. Où en sommes-nous un an après le déploiement de cette démarche ? Et surtout, comment augmenter le nombre d’applications approuvées et remboursées ?
L’idée d’une pyramide de validation existe en Belgique depuis plusieurs années. Pourtant, la procédure actuelle, qui permet d'intégrer des applications mobiles de santé dans un processus de soins, n'est en place que depuis décembre 2020. Un an après, quelles sont les conclusions que nous pouvons tirer de ce nouveau système de démarche ?
mHealth : une pyramide d’évaluations difficile à atteindre
Pour pouvoir s’inscrire à mHealth, les applications doivent d’abord obtenir le marquage CE en tant que dispositif médical. Il s’agit de la première étape du niveau 1 (M1). Mais ce n’est pas tout : elles doivent aussi répondre aux critères de base du niveau 1 et avoir une évaluation positive des risques par un organisme indépendant. Sans cela, elles ne peuvent pas passer au palier suivant (M2). Une fois ces étapes franchies, elles peuvent alors demander le dernier niveau (M3). Cette fois, les entreprises doivent démontrer la valeur socio-économique.
Ce n’est qu’après avoir atteint le plus haut niveau de cette pyramide de validation que les applications peuvent être remboursées. C'est l'Institut national belge d'assurance maladie et invalidité (INAMI)qui analyse et gère les autorisations de remboursement . À l'heure actuelle, il n'existe aucune application ayant franchi avec succès toutes les étapes - de M1 à M3. Selon l'aperçu en ligne, seules 10 ont réussi à accéder au niveau M2.
« Le nombre de développeurs qui s'engagent à atteindre M3 avec leur application mHealth est en augmentation », rapporte l'INAMI à SmartHealth. « Nous avons d’ailleurs récemment reçu une deuxième demande pour le niveau 3. Et d’après nos informations, plusieurs entreprises préparent un dossier. De plus, nous pensons qu'une fois que les premières applications auront été certifiées M3, cela entraînera intensifiera les demandes. »
Priorité au parcours de soins
En Belgique, le gouvernement a fait le choix de ne pas rembourser les applications individuelles. Néanmoins, il les inclut dans le cadre des parcours de soins. Le grand avantage de ce système est qu'une fois qu'un parcours de soins et les critères qui l'accompagnent ont été établis, les candidats peuvent facilement y accéder. À condition, bien sûr, qu’ils répondent aux conditions fixées.
« Les hôpitaux et les prestataires de soins peuvent ainsi choisir parmi une large sélection d'applications qualitatives, en fonction de leurs besoins. À long terme, cela devrait fortement favoriser l'accessibilité et l'innovation. Cette façon de travailler permet aussi de rattraper l'évolution rapide des applications et des différentes versions disponibles », indique le NIHDI.
L'inconvénient de cette méthode de travail est qu’elle prend beaucoup temps. La complexité clinique et l’adaptation du parcours des soins ralentissent parfois sa mise en place. « Plusieurs parcours de soins ont été définis pour lesquels un remboursement forfaitaire est prévu. L'intégration des applications mHealth n'en est encore qu'à ses débuts. C'est pourquoi, il n'existe pas encore de parcours de soins unique qui inclus explicitement les applications », rapporte un porte-parole de l'INAMI. « Dans certains cas, le processus de refonte du parcours de soins est déjà engagé. Cela est fait en parallèle à la procédure de contrôle et d'examen de l'application. »
Un remboursement atteignable sans l’accord de mHealth
Une application a suivi l'ensemble de la procédure. « Elle n'a pas encore été explicitement approuvée. Cependant, il est prévu que le parcours de soins soit revu afin que les applications y aient leur place. En concertation avec les différents acteurs, nous allons maintenant déterminer les critères auxquels elles doivent répondre pour pouvoir être utilisées dans les processus de traitement. Une fois ces derniers établis, les applications peuvent utiliser l'autodéclaration pour montrer qu'elles répondent aux exigences demandées. Nous pourrons alors les considérer comme des applications certifiées M3. »
« Néanmoins, un remboursement ou une restitution des frais de soins est parfois déjà possible », précise l'INAMI. Les prestataires de soins de santé, tels que les hôpitaux, peuvent décider eux-mêmes d'utiliser des applications sur ordonnance. C’est notamment le cas pour Byteflies. Basée à Anvers, l’application propose un e-monitoring. Ce dispositif est remboursable depuis décembre 2020. « Dans l'attente de l'achèvement de ce processus, le comité d'assurance a donné son accord pour que les établissements de soins choisissent les outils numériques qu’ils jugent pertinents. Plusieurs hôpitaux le font déjà. Dans ces cas, la responsabilité de veiller à la qualité des applications leur incombe. »
La pyramide de validation fonctionne-t-elle bien ?
Combien de temps faut-il pour approuver une application ? Quelles sont les conclusions que nous pouvons tirer après un an d’utilisation du système de pyramide de validation ?
L'INAMI recommande aux applications de soins qui travaillent au niveau 3 d’établir des liens entre l'application et les systèmes des prestataires de soins. « C’est une demande récurrente : les données des applications doivent être accessibles dans le dossier du patient et pas seulement sur la plateforme du développeur. Malheureusement, ce n'est généralement pas souvent le cas. Beaucoup juge ce partage insuffisant. Pouvoir démontrer la valeur ajoutée socio-économique et la faisabilité est également un aspect important pour valider le M3 ».
Lorsque l'INAMI fait le bilan de cette année écoulée, elle reste assez discrète sur les succès rencontrés. L’organisme est bien conscient des frustrations des développeurs d'applications. Néanmoins, selon un porte-parole, une évaluation est faite en permanence. « Le processus actuel est un point de départ. Attirer des applications mHealth n'est pas une fin en soi. Offrir des soins optimaux et efficaces reste notre objectif. Mais cela ne nous empêche pas d’être convaincus que les bonnes applications certifiées M3 peuvent y contribuer. Notre pyramide d'évaluation est en cours d'analyse. Nous y apporteront des ajustements si nécessaire. »
Certification mHealth : un système trop complexe et trop onéreux ?
Selon certains innovateurs et entrepreneurs d'applications médicales mobiles, le passage à M3 serait trop compliqué et extrêmement coûteux. L'entrepreneur Vincent Dupont d'Astmakompas a attendu deux ans pour que son application devienne un dispositif médical certifié CE. Ce qui est une condition pour pouvoir bénéficier de M3. « Heureusement, cette période est désormais beaucoup plus courte. Il faut dire qu’avant la pandémie, il n'y avait guère d'urgence à travailler sur des outils numériques médicaux remboursés par le gouvernement. Maintenant, avec la nomination de nouvelles personnes, le processus est beaucoup plus rapide. Aujourd'hui, il peut s'écouler entre un mois et demi et trois semaines avant qu'une application puisse être certifiée CE. Une fois que vous avez ça, ça peut aller très vite. »
Le RIVIZ est également ouvert aux commentaires du terrain sur la procédure de la pyramide de validation. « Pour certaines entreprises, l'incertitude règne toujours autour de M3. C'est le constat fait par BeMedTech et d'Agoria. Nous espérons qu'une fois qu'une première application aura atteint le niveau 3, cela encouragera d'autres entreprises à soumettre un dossier. »
Un délai minimum de six mois
Les entrepreneurs et les développeurs mHealth doivent tenir compte d'un délai d'environ six mois avant que le comité d'assurance de l'INAMI ne se prononce. Du moins c’est le temps visé pour les nouvelles demandes.
« Ce n'est pas la fréquence des réunions ou le budget disponible qui empêche le comité d'assurance de l'INAMI d'approuver de nouvelles applications chaque mois », affirme un porte-parole. « Ce ne sont pas ces points-là qui ont causé du retard. La durée de la procédure dépend plutôt de la complexité des parcours de soins. De plus, de multiples organisations sont impliquées. Ainsi, nous devons entendre de nombreuses parties prenantes. »
Malgré tout : comment le gouvernement fédéral et le ministère de la santé peuvent-ils intervenir pour accélérer l'intégration des applications mHealth dans le système de santé ? Selon NIHDI, les mesures prises sont les bonnes. « Le choix de financer les applications mHealth par le biais des parcours de soins présente malheureusement l'inconvénient de prendre du temps. Cependant, cette voie reste la bonne à long terme et dans le contexte belge. Nous affinerons nos procédures internes au fur et à mesure. À terme, cela optimisera nos procédures futures. »
De bons exemples à l'étranger
En Allemagne, les applications mHealth peuvent, depuis fin 2019, demander une autorisation et s'intégrer au système de remboursement par le biais d'un processus accéléré. Depuis la loi sur les prestations numériques (LPD), les médecins et les psychothérapeutes peuvent prescrire les applications de santé. Les assureurs maladie remboursent les coûts par unité de temps ou de traitement convenu. Le cabinet français souhaite également prendre des mesures à court terme pour rembourser structurellement les soins numériques. En attendant, nulle besoin d'une consultation physique entre le médecin et le patient pour obtenir un remboursement.
« Nous échangeons beaucoup avec les pays étrangers », indique le NIHDI. « Toutefois, il ne faut pas oublier que l'organisation et le financement des soins de santé diffèrent énormément entre les pays européens. Ainsi, nous ne pouvons pas copier/coller les leçons et les pratiques. En ce qui concerne les téléconsultations, des discussions sont en cours pour transformer les prestations temporaires actuelles établies durant la pandémie, en un financement structurel. »
Une avancée notable qui pourrait faire la différence
« Un groupe de travail, comprenant des représentants de l'INAMI, des institutions d'assurance, des universités et des syndicats de médecins, a récemment tenu sa première réunion. Les intervenants se réuniront périodiquement, dans le but de livrer un mémo à la fin du mois de mars 2022. Le but ? Établir un concept pour la mise en œuvre permanente des consultations vidéo avec un modèle de financement durable. Toutefois, ce dernier devra passer en législation. L'objectif est d'être prêt d'ici la fin de l'année 2022 pour être opérationnel le 1er janvier 2023. »
Les développeurs d'applications devront donc être patients - et avoir des investissements solides - lorsqu'ils viseront un remboursement structurel des téléconsultations pour leur modèle économique.
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