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Environ 90 % des données de soins de santé ne sont pas utilisées. Leur traitement est fastidieux et requiert beaucoup de temps. Pourtant, leur analyse est nécessaire. Alors pourquoi ne sont-elles pas exploitées ? Georges de Feu, cofondateur et P.-D.G. de LynxCare, s’est posé la question. Avec sa société, il souhaite aider les établissements médicaux à mieux traiter leurs données. Selon lui, il est indispensable que les hôpitaux prennent à l'avenir des décisions qui s’appuient aussi sur l’analyse des données. À l'approche de l'édition belge de la Masterclass sur l'intelligence artificielle, il évoque déjà le rôle de l'IA dans la gestion des données.
LynxCare, dont le siège est à Louvain, a été fondé en 2015. La société offre une plateforme SaaS (software as a service) basée sur la technologie d'exploration des données. Les organismes de santé peuvent ainsi extraire des informations à partir des données structurées et non structurées de leurs propres systèmes informatiques.
À ce jour, 35 hôpitaux en Belgique, aux Pays Bas et aux États-Unis utilisent LynxCare. L'entreprise travaille également avec cinq grandes sociétés pharmaceutiques pour les aider à mieux comprendre des pathologies complexes. Outre le bureau de Louvain, il existe également une succursale à New York.
Le début de LynxCare
Le P.-D.G. Georges de Feu était l'un des cofondateurs de LynxCare. Il était autrefois auto-entrepreneur, chercheur et pharmacien. « Nous connaissions Michael Victoroff et Sharon Feder des États-Unis via leur jeune garçon. Sharon a dû faire face à de nombreux diagnostics médicaux superposés et très compliqués. Elle a vu les limites du système de santé. Les données médicales désordonnées de son enfant étaient dispersées dans divers hôpitaux américains. La collecte de toutes ces données perdues sur les patients a demandé beaucoup de temps, d'argent et d'efforts. Michael Victoroff est un médecin américain. Il l'a aidée à faire un résumé du dossier médical de son fils. C'est ainsi que nous avons commencé à soutenir les patients individuels avec leurs données médicales, afin qu'ils puissent être mieux suivis par les médecins dans les hôpitaux », explique Georges De Feu.
Système de gestion des données
Georges De Feu fut étonné par la qualité des données médicales dans les hôpitaux, y compris ceux de Belgique. Avec son passé de pharmacien et de chercheur, il pensait que ces données étaient bien conservées et structurées. Mais cela ne s'est pas avéré être le cas.
« Il est impossible d'avoir un médecin qui recueille toutes les données pertinentes pour chaque patient qu’il traite. Nous avons donc étudié les technologies permettant de mieux structurer les différents types de données dans toutes les sources de données. Puis nous avons commencé à développer un système de gestion des données pour les hôpitaux. » Selon Georges De Feu, un tel système ne facilite pas seulement le suivi des patients. Elle améliore également la qualité des soins et apporte une valeur ajoutée à la recherche médicale.
« Il est impossible d'avoir un médecin qui recueille toutes les données pertinentes pour chaque patient qu’il traite. »
COVID-19 a été un tournant
Bien que LynxCare existe depuis 2015, la pandémie actuelle a été un tournant majeur. Le monde médical a réellement perçu la valeur ajoutée d'une gestion adéquate de grandes quantités de données sur les soins de santé. « Avec l’arrivée de la COVID-19, il y avait une forte pression pour trouver rapidement de nouvelles thérapies, mais elles n'étaient pas facilement disponibles. La mise en place d'études cliniques prendrait trop de temps. Il était donc important d'utiliser des données du monde réel. De nombreuses informations ne peuvent être obtenues qu'en analysant un grand nombre de patients. Avec une condition inconnue comme le COVID-19, les malades diabétiques semblaient soudainement avoir un risque de mortalité plus élevé. D'où la grande importance de l'accessibilité des données ». Le P.-D.G. de LynxCare poursuit en soulignant que d'autres secteurs utilisent de grandes quantités d'informations depuis des années. Le secteur des soins de santé est encore en train de rattraper son retard.
Données structurées et non structurées
L'intelligence artificielle (IA) joue un rôle important dans le processus de gestion des informations. « L'IA est un moteur essentiel car il existe une énorme variété de données au sein des hôpitaux et entre eux. Les données non structurées et structurées sont constituées de différents langages et sont cachées dans divers départements et systèmes. Pensez à un dossier électronique du patient, à un système d'agenda ou à un système de logiciel de laboratoire. Ce sont toutes des sources de données », explique Georges De Feu.
Les estimations montrent que seulement vingt pour cent de toutes les données du secteur sont des données structurées sur les soins de santé. Ces informations sont classées et traitées selon une structure logique. Par exemple, des fichiers Excel qui sont continuellement remplis de la même manière. Ou des glucomètres qui présentent des résultats identiques. La grande majorité des données relatives aux soins de santé ne sont pas structurées. Il s'agit par exemple de notes manuscrites dans des fichiers Word ou d'images médicales provenant de la radiologie.
« Il est impossible de structurer et de traiter manuellement toutes ces données. L'intelligence artificielle contribue à rendre les données plus accessibles, sur la base de tâches répétitives. Néanmoins, les humains s'avèrent souvent capables de tirer de meilleures conclusions d'une plus grande variété de données. Nous avons maintenant réussi à construire un bon système de gestion des données avec une IA qui peut gérer ces variantes. Ce système peut générer une analyse aussi bonne et fiable que les humains. C'est une avancée majeure. Le médecin doit pouvoir s'appuyer sur les données d'un tel système afin d'améliorer les soins. »
L'avenir : l'apprentissage fédéré
LynxCare ne dispose pas elle-même de données sur les soins de santé, celles-ci restant toujours sous la gestion de l'hôpital. La mise à l'échelle ne sert qu'à l'extraction et au traitement des données. George de Feu explique quet la technique d'apprentissage automatique Federated Learning révolutionne le traitement des données. Elle est considérée comme une bonne solution dans un secteur où les informations médicales sensibles ne peuvent être échangées sans le consentement du patient.
Au lieu d'envoyer les données de santé de tous les hôpitaux à un système d'apprentissage automatique dans une base de données externe centrale, le système d'apprentissage automatique est amené à utiliser les données internes d'un hôpital individuel. L'algorithme est ainsi entraîné localement sur plusieurs appareils ou serveurs. L'apprentissage fédéré est une technique de recherche préservant la confidentialité. Les hôpitaux ne peuvent partager les résultats anonymes avec d'autres prestataires de soins de santé qu'à un stade ultérieur.
« L'apprentissage automatique est une technique de recherche préservant la vie privée »
De la connectivité à la compréhension
George De Feu rappelle que, par le passé, le département informatique de l'hôpital ne s'occupait que de la connectivité. Aujourd'hui, il s'agit de données. « Vous voyez des hôpitaux embaucher des personnes pour élaborer des statistiques qui soutiennent le médecin et améliorent les soins aux patients. On constate un passage de la connectivité à la compréhension. Mais pour analyser les données, des technologies sont nécessaires. Nombre d'entre eux sont des services en Cloud. Nous nous chargeons de mettre les données à disposition, après quoi les applications d'innovation et l'intelligence artificielle deviennent possibles et les établissements de santé font beaucoup plus. »
À titre d'exemple, George De Feu cite l'entreprise française Owkin. Fondée par deux chercheurs français, elle est spécialisée dans la fourniture d'une technologie d'IA permettant de recueillir des informations et des modèles à partir de connaissances et de données. Owkin a pris l'initiative du Consortium Covid-19 Open AI (COAI). Ce consortium d'institutions universitaires, de chercheurs, de scientifiques des données et de partenaires industriels s'est concentré sur l'accélération de traitements efficaces pour les patients atteints par le coronavirus. Les résultats ont été partagés de manière transparente avec la communauté médicale. « Pour travailler réellement avec des données, il faut d'abord un système de gestion des données. Les médecins et les patients en ont besoin. Des centaines d'entreprises, comme Owkin, peuvent ensuite aider, par-dessus ce système, avec ces données, à reconnaître les modèles qui améliorent la qualité des soins. »
Implantation des données
Comment Georges de Feu perçoit-il les grandes entreprises technologiques, qui misent également sur l'accessibilité des informations contenues dans les dossiers des patients pour l'IA et la recherche, et proposent de nouveaux services en Cloud ? « Dans d'autres pays, vous voyez des entreprises équivalentes qui utilisent l'IA pour une meilleure gestion des données, comme Savana en Espagne et Verantos aux États-Unis. De grandes entreprises comme Microsoft et Google proposent également un certain nombre de systèmes et de modules d'IA que les organisations peuvent utiliser elles-mêmes. Mais ces systèmes et modules, souvent basés sur le cloud, ne peuvent pas être utilisés directement dans une base de données de recherche. La qualité est encore insuffisante. Microsoft s'efforce de proposer des modules, mais ne construit pas une solution complète pour une organisation de soins de santé. Ils proposent des composants séparés. Mais ceux-ci ne constituent pas un bon système de gestion des données. »
La balle est dans le camp des institutions de santé
Georges De Feu envisage l'avenir avec confiance et est convaincu de l'importance de sa solution en matière de soins de santé. « Nous traitons les données et assurons une meilleure gestion de celles-ci dans les hôpitaux. La plateforme examine tous les systèmes de données, extrait les bonnes informations et les rend accessibles aux médecins. Par ailleurs, ces derniers peuvent toujours accéder aux données sources et voir exactement comment elles sont structurées. Il ne s'agit pas d'une boîte noire avec une IA qui prend des mesures inconnues. Il s'agit de science et de nouvelles méthodes de traitement possibles pour les patients. Dans ce cas, la transparence et la fiabilité sont souhaitables. Les hôpitaux doivent passer à l'étape suivante et de commencer réellement à travailler avec les données. »
Masterclass Intelligence artificielle dans les soins de santé : édition belge
Rencontrez Georges de Feu (LynxCare) et d'autres intervenants lors de la masterclass sur l'intelligence artificielle dans les soins de santé. Découvrez l'impact et le déploiement de l'apprentissage automatique et de l'apprentissage profond dans un cadre médical, ainsi que les défis et les opportunités pour la profession médicale. 19 et 20 mai - Bruxelles
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