Newsletter:
Là où l’Humain échoue, la Technologie réussie. Depuis près de 5 ans, le centre de neuroréhabilitation d'Anvers, TRAINM, aide les personnes paralysées, ayant souffert d'accidents vasculaires cérébraux ou atteintes de maladies neurologiques à apprendre certains mouvements. Si les nombreux témoignages de réussites donnent de l’espoir aux nouveaux patients, le financement de ces technologies n’est pas toujours à la portée de tous.
Il est encore tôt lorsque nous arrivons dans le manoir néoclassique blanc nacré de TRAINM, au cœur d'Anvers. Le bâtiment est situé entre un magasin de jardinage et un salon de massage. Les passants venus faire un soin ou chercher un outil pour bricoler n’ont aucune idée de ce qui se trame derrière les portes de ce centre de neuro-réhabilitation. Pourtant, d’après les nombreux témoignages, il s’y passe des choses incroyables : une femme handicapée dans un fauteuil roulant après un accident vasculaire cérébral a retrouvé la capacité de marcher ; un enfant atteint d'infirmité motrice cérébrale (IMC) peut à nouveau monter les escaliers tout seul ou encore un patient ayant une activité cérébrale minimale montre des signes croissants de conscience après une thérapie intensive.
Comment cela est-il possible ? Grâce aux technologies innovantes développées par TRAINM. Ainsi, les personnes atteintes de troubles neurologiques réapprennent certains mouvements de base grâce aux robots de pointe du centre de rééducation. Via ces équipements ultra-performants, les patients ayant un handicap notable peuvent obtenir des résultats remarquables. Si la plasticité cérébrale est stimulée efficacement, de nouvelles capacités de récupération sont possibles. « Tout dépend du patient, de son état neurologique et de l'intensité de la thérapie », explique Alexander De Bock, physiothérapeute chez TRAINM. « Dans certains cas, nous veillons à ce que les personnes puissent effectuer des mouvements quotidiens de manière fluide, comme si elles étaient chez elles, tandis qu'avec d'autres personnes nous nous concentrons principalement sur la manière dont elles peuvent se déplacer. »
Le potentiel de la robotique
TRAINM-kinesist Alexander De Bock © Glen Van Muylem
Au contact de ses patients, l’enthousiasme d’Alexander De Bock est communicatif ! Il évoque à mille reprises son intérêt pour la combinaison de la physiothérapie et de la neurologie. « Dans mon programme de maîtrise, nous étions autorisés à assister à des opérations cérébrales et à observer quelles sont les particules retirées. Nous avions ainsi une idée précise de l’énorme impact qu’une chirurgie de précision peut avoir sur un patient. La vie d’une personne peut littéralement changer après une telle opération. Mais, une question demeure : comment faire pour accélérer sa convalescence efficacement et l'aider à récupérer plus vite toutes ses facultés ? »
Au vu du domaine d’expertise qu’il intéresse, il est logique que le jeune homme parfaire ses connaissances au cours d’un stage dans un établissement traitant les personnes atteintes de troubles neurologiques. « J'espère qu’un jour je travaillerai ici de manière permanente. Je constate quotidiennement l'impact que la robotique et les conseils d'un physiothérapeute peuvent avoir sur une personne qui s’est entendue dire qu’elle ne pourrait plus jamais utiliser ses jambes ou ses bras. »
Dans de nombreux cas, les médecins pensent qu'aucun progrès n'est plus possible chez certains patients, explique le physiothérapeute. C’est là où TRAINM tente de démontrer le contraire. À travers ses recherches, le centre montre que des améliorations sont encore envisageables en se concentrant sur la neuroplasticité du cerveau, c'est-à-dire la capacité d'adaptation cérébrale. Cela n'est possible qu'avec l’exploitation intensive de la robotique.
Thérapie intensive
Chez TRAINM, les patients ont l’opportunité de focaliser toute leur énergie sur leur convalescence. Ils peuvent notamment suivre un programme spécial : le « boot camp ». Il s’agit d’un entraînement intensif d'une durée de 4 à 12 semaines. « C'est là que le centre fait vraiment la différence », précise Alexander De Bock. « TRAINM se concentre uniquement sur la récupération fonctionnelle des personnes grâce à une rééducation profonde et intense. Certaines personnes viennent chez nous durant une année complète et leurs progrès sont impressionnants. Au début, elles commencent par 3 heures par jour, puis elles passent à 4 ou 5 heures, 5 ou 6 jours par semaine. Grâce à ce rythme soutenu, les changements sont très rapides, surtout chez les patients ayant subi un accident vasculaire cérébral. Quant à ceux souffrant de sclérose en plaques (SEP) ou de la maladie de Parkinson, nous pouvons mettre en place un plan de suivi. Les patients viennent 1 ou 2 fois par semaine pour maintenir leur mobilité dans un état optimal et conserver une qualité de vie aussi élevée que possible. Cette fois, l'idée est alors de ne pas travailler de manière extrême, mais régulière. »
TRAINM-kinesist Alexander De Bock © Glen Van Muylem
À tous les étages du centre, différentes machines sont installées côte à côte. La plupart d'entre elles sont manipulées par un physiothérapeute qualifié. Certaines peuvent être cependant utilisées par les membres du personnel du centre de rééducation pour entraîner les patients. L’une d’entre elles est en cours d’utilisation et supervisée par un kinésithérapeute. Une jeune femme qui ne peut pas marcher de manière autonome est installée dans un harnais et tente d’utiliser ses jambes en reproduisant les mouvements d’une marche. Pendant que l’appareil fait avancer ses pieds, la patiente suit ses pas « virtuels » à l’aide d’un écran où un pingouin reproduit ses gestes. Il saute de gauche à droite en fonction du rythme de ses pas. En se focalisant sur cet exercice, la patiente se réhabitue progressivement à la gestuelle de ses jambes. À la fin de la séance, elle aura marché environ 1 kilomètre. Le thérapeute qui manipule la machine peut alors analyser ses progrès en fonction des historiques des chiffres précis enregistrés.
Un changement de vie inattendue
Le centre de réadaptation a été créé en 2017 par le couple Edward Schiettecatte et Nilofar Niazi. Une idée survenue à la suite des problèmes de santé de leur fils, Nathaniel. Ce dernier a souffert très jeune d’une paralysie cérébrale. « En 2009, je vivais encore à New York avec ma femme Nilofar », se souvient le co-fondateur. Mais leur vie trépidante à Wall Street a soudainement pris un autre tournant afin de se concentrer sur le rétablissement de leur enfant. Edward Schiettecatte a travaillé pendant une douzaine d'années à New York pour différentes banques d'investissement telles que Merrill Lynch et Rothschild. Nilofar Niazi a évolué, elle aussi, dans les hautes sphères des finances internationales chez Rothschild et Deutsche Bank. « Nos vies étaient très occupées, mais nous nous sommes immédiatement concentrés sur Nathaniel dès qu’il a été diagnostiqué. Nous voulions tout mettre en place pour optimiser son rétablissement sans prendre trop de risques. »
Le couple s’est alors intéressé à des nouveaux domaines d’expertises : la recherche des cellules souches, la réparation du cerveau, la plasticité cérébrale et toutes les formes de convalescence. « Nous nous sommes demandé s'il n’existait pas d'autres moyens d’obtenir de meilleurs résultats de rétablissement. C'est ainsi que nous sommes entrés en contact avec différents médecins et experts aux États-Unis qui nous ont confirmé que la rééducation robotique pouvait maximiser la récupération. » C’est ainsi qu’une fois de retour en Belgique, ils ont décidé de prendre les choses en mains et ont fait le choix de ne pas placer leur fils dans un centre de rééducation classique. À la place, ils ont créé le leur, un non conventionnel : TRAINM.
L'objectif principal de l'établissement est de stimuler et d’optimiser les capacités du cerveau encore opérationnel chez les personnes ayant un handicap neurologique. « Si certains mouvements peuvent être répétés des milliers de fois durant une courte période, il est possible d’inciter le cerveau à réapprendre une activité », explique Edward Schiettecatte. « Un kinésithérapeute aide à réaliser en moyenne une cinquantaine de gestes en 30 minutes. Avec un robot, c'est presque 500 à 1 000 mouvements. »
Augmenter la plasticité neuronale en la stimulant intensément a toujours été la priorité de TRAINM. Ainsi, développer les nouvelles technologies robotiques était une évidence. Les fondateurs se sont aussi entourés de médecins ultra-qualifiés, comme le professeur Steven Laureys et le neurochirurgien Tony Van Havenbergh, afin de développer les meilleurs traitements novateurs possibles.
Des soins onéreux parfois difficiles d’accès
TRAINM-kinesist Alexander De Bock © Glen Van Muylem
Bien que les recherches sur les outils de rééducation de haute technologie soient encore assez récentes, la science semble être de leur côté. « Même avant le début des études scientifiques, nous savions que ce que nous faisons fonctionne », déclare le cofondateur. « Nous avons déjà traité plus d'un millier de patients. Nous disposons donc d'évaluations concrètes, approfondies et chiffrées. Ces dernières années, plusieurs études qui soutiennent nos techniques de neuroréhabilitation robotique ont été publiées sur The Cochrane Library (un site web médico-scientifique qui résume et interprète les résultats de la recherche, N.D.L.R.). L'année dernière, une étude Cochrane qui avait débuté en 2007 a conclu que les patients qui suivaient un traitement par pas robotisés en combinaison avec une thérapie manuelle après un accident vasculaire cérébral avaient plus de chances de pouvoir marcher de manière autonome que ceux qui ne le faisaient pas. »
Malgré tout, le coût de cette technologie de pointe reste aujourd’hui prohibitif. « Certaines machines peuvent facilement coûter un demi-million d'euros », souligne Edward Schiettecatte. « Par conséquent, un traitement peut coûter plusieurs centaines d'euros par mois et il ne sera pas remboursé en Belgique. Le système néerlandais est complètement différent. Là-bas, plusieurs assurances maladies prévoient une prise en charge partielle de nos thérapies robotiques. Certains de nos patients Belges arrivent à financer leurs soins en faisant des crowdfundings sur les réseaux sociaux. Mais cela reste assez rare et ils ne représentent qu’une minorité. »
Période incertaine
La crise du coronavirus a grandement impacté l’activité de TRAINM. De nombreuses personnes n’ont pas pu poursuivre leur traitement. « Nous sommes encore en train de digérer cela, mais les choses évoluent dans la bonne direction ». Le centre a été contraint de fermer pendant environ 5 semaines, de mars à la mi-avril. « Un gouffre financier et un désastre pour tous nos patients. Les coûts fixes devaient être payés alors que nous ne pouvions plus offrir de réadaptation à tous nos patients. »
La pandémie a toujours un impact sur le centre de réadaptation, bien que ses répercussions soient limitées et à court terme. « Nos patients, particulièrement ceux âgés, ont toujours très peur d'être infectés par la COVID-19 et préfèrent donc rester chez eux. Or, nous suivons autant d’enfants que d’adultes. Les plus de 60 ans étaient particulièrement inquiets de revenir », affirme Edward Schietecatte. « L'un de nos patients seniors ne reviendra pas avant septembre. Le fait que certains soient restés inactifs si longtemps est évidemment regrettable. Il va falloir rattraper tout le retard accumulé. »
Projets d’expansions
Depuis que la campagne de vaccination bat son plein en Belgique, le centre de rééducation voit le nombre de ses patients augmenter à nouveau. « Nous constatons que beaucoup de personnes viennent des Pays-Bas. Ainsi, nous implanter dans ce pays serait certainement une démarche logique. De plus, nous souhaitons aussi nous développer à l’international. Nous espérons qu'au début de l'année prochaine, nous serons en mesure d’ouvrir un second centre à Gand, mais aussi à Liège. En effet, nous travaillons déjà avec le professeur Steven Laureys et son projet Coma Science Group développé au CHU de Liège. Depuis notre collaboration, nous avons de plus en plus de patients ayant une conscience minimale qui viennent ici pour une rééducation. »
Pour avoir un réel impact, TRAINM préférerait ouvrir un établissement dans chaque province de Belgique. « Je sais à quel point c’est fatiguant et contraignant de devoir constamment déplacer son enfant et d'être sur la route pendant des heures », explique Nilofar Niazi. « Dans un monde idéal, nous voudrions donc travailler le plus localement possible. Pourtant, malgré les fréquents déplacements, les personnes qui viennent ici sont très motivées et heureuses de leurs progrès et de l'amélioration de leur qualité de vie. »
Laisser un commentaire
Rejoindre la discussion?N’hésitez pas à contribuer !