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Les objets connectés et applications nous permettent de mieux surveiller notre santé. Ces outils de mesure sont aussi utiles aux utilisateurs et aux entreprises qu’aux scientifiques pour faire avancer les recherches. La question de la santé mentale est plus délicate étant de plus en plus difficile à évaluer depuis quelques années. Pour mieux comprendre les enjeux de ce secteur, SmartHealth s'est entretenue avec Alex Strang, cofondateur de la start-up britannique Moment Company, et avec Olav Krigolson, professeur en neurosciences à l'université Victoria du Canada. Et d’après leur analyse « le marché de la santé mentale va prochainement exploser. »
Le nombre de personnes souffrant de stress, d'épuisement professionnel et de dépression dans le monde ne cesse d’augmenter. Il n'est donc pas surprenant que les entreprises Hight tech s'engouffrent dans cette brèche et se concentrent sur notre santé mentale, notamment en utilisant des technologies de pleine conscience. S'agit-il d'un phénomène temporaire ou le nombre de demandes de ce type de soins numériques va-t-il augmenter ?
Davantage de stress et d'épuisement professionnel
C’est une réalité : la quantité de plaintes relatives au stress et au burn-out que doivent traiter les professionnels de santé aux Pays-Bas et en Belgique ne fait qu’accroître. D’après une étude menée entre 2017 et 2020, le nombre d'absences de longue durée dues au stress ou à l'épuisement des employés belges a augmenté de 155 %. En 2019, 1,3 millions des Néerlandais actifs présentaient des symptômes d'épuisement professionnel. Ce syndrome regroupe une combinaison de symptômes d’épuisement émotionnel, de dépersonnalisation, d'un sentiment d'impuissance et de l'incapacité de mener à bien des activités quotidiennes pendant au moins 6 mois.
Une recherche menée par TNO en 2019, à l’initiative du ministère néerlandais des Affaires sociales et de l'Emploi, montre que le déclin des performances sociales est de plus en plus cité par les personnes souffrant d'épuisement professionnel. Il est notamment question de l'utilisation des réseaux sociaux, qui entraîne une dépréciation dès le plus jeune âge. En outre, les évolutions technologiques et les changements sur le marché de l’emploi conduisent à travailler indépendant des horaires et du lieu, basé sur des exigences élevées en matière de missions à accomplir. Ce phénomène est particulièrement alimenté par les moyens numériques, tels que l'ordinateur portable et le smartphone.
Le point sur la recherche
L'un des moyens de réduire ce type de problème de santé mental consiste à appliquer des techniques de pleine conscience (Mindfulness). Il s’agit d’une thérapie qui utilise diverses pratiques de la méditation afin de vivre le moment présent. Cela peut-être des exercices de respiration par exemple : se concentrer sur ses inspirations et ses expirations. Le but étant de mieux gérer les troubles physiques et mentaux.
La Harvard Medical School (HMS) utilise actuellement la méditation de pleine conscience comme traitement alternatif contre la dépression. Selon les psychologues participants au projet, les traitements classiques, utilisant les thérapies cognitives et comportementales ainsi que l’usage d’antidépresseurs, ne fonctionnent pas toujours. À l’inverse, en 2018, une recherche à petite échelle de l'Université de Harvard a révélé que les personnes qui méditent 15 minutes quotidiennement peuvent réduire leur tension artérielle. Il était question d'une combinaison de techniques, telles que la relaxation musculaire et la pratique d'exercices de respiration.
Une pierre pour devenir zen
Les entreprises Hight Tech s’intéressent de plus en plus à cette problématique et développent des outils qui pourraient réduire le stress et les symptômes du burn-out. C’est le cas de la British Moment Company qui se concentre sur les personnes souffrant de problèmes de santé mentale. La start-up a développé le Moment Pebble, une pierre qui lumineuse utilisée pour « faire le vide ». Son but est d’apaiser en faisant une « pause mentale » à tout moment : pendant une journée de travail intense ou encore avant de se coucher.
Si en français Pebble signifie galet, l’objet élaboré est légèrement plus grand. Composée de sable de marbre compressé et contenant des lumières LED, la pierre dispose d’une batterie rechargeable sans fil. Son utilisation est simple : la personne doit tenir la Pebble dans la paume de sa main et la tapoter 3 fois. Cette dernière clignote à 2 reprises pour indiquer que le moment de pleine conscience commence. L'utilisateur concentre alors ses yeux sur la pierre et suit le rythme de la lumière avec sa propre respiration. Dès que la lumière brille plus fort, il faut respirer profondément. Quand celle-ci diminue, c’est le moment d’expirer lentement. D’après la start-up à l’origine du produit, il suffit de 30 minutes pour retrouver un calme manifeste.
Six ans auparavant, Alex Strang, le cofondateur de Moment Company, a lui-même souffert d'épuisement professionnel. C’est donc pour lui une mission personnelle d’aider les personnes à maintenir une bonne santé mentale grâce à ces courts moments de repos. Néanmoins, qu’elle est la réelle utilité de ce gadget lumineux puisque les techniques de respiration sont connues et peuvent se pratiquer sans ?
D’après une étude datant de 2018, les objets que nous pouvons toucher auraient un effet positif sur notre bien-être émotionnel. Ils créent une forme d’attachement et permettent de procurer un apaisement. Ainsi, la Pebble qu'Alex Stran utilise personnellement est toujours en évidence sur son bureau. Elle lui sert de rappel tangible pour l’inciter à prendre un moment de repos dans sa journée. « Nous recevons régulièrement des retours de parents qui indiquent que même les enfants se servent de la Pebble. Ils n’ont pas forcément l’âge de s'exprimer correctement, mais voient dans cette sorte de caillou un copain qui les aide. » De plus, la Pebble a aussi une autre fonction puisqu’il s’agit « d’un objet naturel qui va briser des schémas stressants », précise le cofondateur de la start-up, avant de rappeler que « les notifications liées au travail et d’autres distractions envoyées sur notre smartphone alimentent notre stress en permanence. »
Analyser l'activité cérébrale
Le neuroscientifique de l'université de Victoria au Canada, Olav Krigolson, est spécialisé dans la modélisation et l’imagerie médicale du cerveau (Électroencéphalographie, et IRM fonctionnels). Ses recherches se focalisent plus précisément sur l'activité cérébrale et son rôle sur nos états mentaux et physiques. Il travaille notamment sur un projet pour la NASA pour évaluer comment la santé cérébrale d’un astronaute vivant isolé durant une longue période est affectée. Pour cela, via un simulateur situé sur un volcan à Hawaï et reproduisant les conditions de vie d’une mission sur Mars, il étudie l’activité du cerveau des participants. Le but étant de déterminer comment intervenir et éviter des troubles physiques et mentaux.
Et d’après son expertise, les effets positifs (sur le corps et l’esprit) des techniques de pleine conscience et de méditation ne font aucun doute ! Il mène d’ailleurs régulièrement des recherches en utilisant les nouvelles technologies grand public tels que des wearables (objets connectés à porter) ou autres gadgets high-techs. « J’ai découvert de nombreuses entreprises technologiques qui commercialisent des produits de haute qualité pour à peine une centaine de dollars. Ces appareils fonctionnent mieux que ceux similaires que j'ai achetés 10 ans plus tôt pour des dizaines de milliers de dollars. »
Le scientifique a aussi participé à diverses études sur le wearable canadien Muse. Il s'agit d'un bandeau muni de capteurs EEG qui diffuse des signaux audio en fonction de l'activité cérébrale. Les messages envoyés plongent l'utilisateur dans un état de calme mental. Ainsi, l’expert l’affirme : « Le marché de la santé mentale va exploser dans les années à venir avec de nouvelles entreprises et des applications innovantes. »
Mesurer, c'est savoir
Les applications et les wearables permettent une meilleure analyse des échanges entre l’organisme et le système cérébral. Elles donnent aux scientifiques davantage de contexte sur l'un des organes humains les plus complexes : notre cerveau. « Pour la science, la collecte de données est importante », explique Olalv Krigolson. Pour élargir nos connaissances sur l'activité cérébrale, nous avons simplement besoin de plus d'informations. « Par exemple, nous observons une forte activité cérébrale lorsque les personnes réfléchissent ou se concentrent activement. Mais pourquoi en est-il ainsi ? Avec les paramètres physiologiques, tels que la pression sanguine ou le rythme cardiaque, nous connaissons les valeurs idéales. Ce n’est pas si évident pour notre cerveau. Existe-t-il un lien ? Ou une corrélation ? À ce jour, nous manquons de data pour pouvoir comprendre tout ce qui intervient au niveau de notre système cérébral. C'est là où « les objets connectés et les wearables, qui mesurent notre santé mentale, vont pouvoir changer la donne », conclut le neuroscientifique.
Collecter des données via les nouvelles technologies est un véritable dilemme pour Moment Company. Si la start-up a un programme de soutien en ligne, elle n’a pas d’application qui mesure réellement les effets de l’utilisation de la pleine conscience. Pourtant, cela fournirait des informations intéressantes : que se passe-t-il dans l'esprit de l'utilisateur ? La technique de respiration fonctionne-t-elle avec la Pebble ? Des progrès sont-ils possibles ? Selon Alex Strang, nous devrions garder une trace de ces renseignements et des raisons qui causent du stress. Malgré tout, cela ne signifie pas que la pierre lumineuse qu’il commercialise n’est pas efficace. D’ailleurs, dans une vidéo postée sur YouTube, le chef d’entreprise démontre de manière convaincante ses effets. Équipé du wearable HeartMatdans, qui mesure en temps réel le rythme et la cohérence cardiaques, il pratique une séance de respiration avec son produit. Les données enregistrées sont affichées via une application et ont permis d’illustrer les effets positifs de la séance sur sa fonction cardiaque.
L'importance de la collecte des données
Selon Olalv Krigolson, les universités et les centres de recherche rencontrent de moins en moins d'obstacles lorsqu'ils collectent des données auprès de patients. Ce qui permet de lancer plus facilement des études sur la santé mentale. Les applications commerciales, les gadgets innovants et les wearables disponibles contiennent des outils de mesure éprouvés qui sont aussi utiles pour les chercheurs. Ils sont également peu coûteux à l'achat et permettent de constituer un échantillonnage plus important. En effet, les personnes testées n’ont plus besoin d’être reliées à un moniteur avec un casque rempli d'électrodes et de fils. Ils peuvent effectuer les mesures à distance via un objet connecté.
Il existe toutefois un inconvénient majeur. Les entreprises technologiques ne mettent généralement pas à disposition leur kit de développement logiciel. Et cela complique grandement la tâche aux jeunes entrepreneurs et aux développeurs qui souhaitent transformer leurs idées en applications et gadgets existants. Ces derniers ont ainsi plus d'opportunités lorsqu'une société High-Tech requiert un pourcentage des revenus, en échange de l'accès à leur logiciel. C’est le cas d’Apple, par exemple. Une autre conséquence est que les entreprises technologiques entreront en concurrence avec les scientifiques pour la collecte des données et la publication des recherches. Ce qui soulève d’autres interrogations : les informations relatives à la santé sont-elles collectées dans un intérêt général ou commercial ? Et les résultats des recherches sont-ils vérifiés par des pairs fiables ?
Aux États-Unis, notamment, les entreprises de santé en ligne axées sur la pleine conscience sont en plein essor. Il s'agit souvent de dispositifs à porter sur soi, basés sur la technologie EEG. Les grands tours d'investissement offrent une chance d’expansion à une nouvelle start-up. Mais cela signifie aussi que d'autres intérêts entrent en jeu lorsque le capital-risque et les investisseurs montent à bord de jeunes sociétés.
Notre cerveau est l'une des structures les plus complexes de l'univers. Il n'est donc pas surprenant que les entreprises technologiques, les scientifiques et les consommateurs s'intéressent à la combinaison de la technologie, de la pleine conscience et de la santé mentale.
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